Comme son visage semble l'indiquer, Aurelion est un homme ne possédant que la quantité strictement minimum d'entrain. Ses gestes lents et mesurés trahissent une forme non pas de fainéantise, mais d'ennui profond, comme s'il aurait aimé être ailleurs.

Être ailleurs, justement, est tout le dilemme du jeune homme. Malgré le fait qu'il n'ait que 20 ans, on peut lire dans ses yeux une sorte de nostalgie, d'ancrage profond dans le passé, comme si la partie profondément joyeuse et bout-en-train de sa personnalité était restée coincée quelque part quelques année dans le passé.

Car oui, le trait de caractère principal du mercenaire est une sorte de tristesse ruminée, d'une sorte d'envie de toucher les cicatrices au lieu de les laisser correctement fermer. Il n'est pas dépressif, loin de là. Malgré son air, il prends quand même toujours une forme de plaisir dans la vie quotidienne. C'est juste qu'il a toujours l'air en décalage, légèrement plombé par son humeur. Cela fait de lui un homme assez taciturne, difficile à cerner, mais avec un cœur étonnement chaud pour ceux qui prendront la peine de percer sa carapace.

Cependant, malgré tout ses défauts, Aurelion reste une personne assez agréable à vivre. Sous cette généreuse couche de ronchonnement se cache un sens de l'humour assez sec et spirituel. De plus, digne fils de Ragna Ferox, Aurelion possède le sang bouillonnant de son peuple et, même s'il reconnaît les vertus de la diplomatie, apprécie beaucoup le feu du combat.

En tant que mercenaire, l'homme est un bon exemple. Son travail est une des rares choses avec le combat qui le maintiennent dans le monde des vivant, et il tient énormément à son honneur de mercenaire. Il est obéissant et n'abandonne jamais un contrat, aussi dur qu'il soit à remplir. Attention, cela ne veut pas dire qu'il est prêt à jetter sa vie en l'air au moindre ordre. C'est juste qu'il essaiera tout en son pouvoir avant d'abandonner.

Enfin, Aurelion reste un homme bon et juste (même si sa vision de la justice n'est pas forcément partagée) qui, tant que possible, ne choisira ses contrats que si ils rentrent dans sa ligne morale.

Aurelion est né il y a 24 étés dans une famille de soldats, comme la grande majorité des habitants de Regna Ferox. Depuis plusieurs générations, la famille de notre héros servait le chef du village comme garde personnelle.

Fils unique, le futur-chevalier n'a cependant pas eu une enfance extrêmement facile. Leur devoir étant extrêmement important aux yeux de sa famille, il a passé toute son enfance sur le terrain d’entraînement, apprenant le maniement des armes depuis quasiment aussi longtemps qu'il savait marcher. Le peu de temps libre qu'il avait, il le passait avec Farnah, la fille du chef du village qui, par un hasard du destin, était né le même jour que lui.

Les deux jeunes gens firent les quatre cent coups ensemble, enchaînant bêtises sur bêtises mais n'utilisant jamais leur statut pour échapper à leurs punitions. Bien vite, cette amitié platonique se transforma avec l’adolescence en un amour de jeunesse. Elle apprenait si bien le maniement des armes que la gestion d'un village et lui la voie du bouclier et de l'armure pour servir de rempart pour elle.

Ils étaient jeunes, ils étaient beaux, ils étaient forts. L'avenir s'annonçait radieux pour les deux jeunes gens …

… si Farnah n'avait pas été la fille du chef du village et lui un roturier, s’entend. Non pas qu'Aurelion ne s'entende pas avec les parents de sa douce, loin de là. Leurs deux familles étaient tellement proches qu'ils voyaient le jeune homme comme un fils. Le soucis, c'est que même si la politique avait quasiment comme seule façon de s'exprimer la violence, il y avait des sujets sur lesquels verser le sang n'était pas intéressant. C'est ainsi que la jeune femme se retrouva promise au chef d'un village voisin : Gastaros, un vieux pervers et puissant.

Ils avaient 16 ans et le destin venait de les séparer.

Cependant, Aurelion ne perdait pas espoir. Son village n'avait courbé l'échine devant le vieux uniquement parce que son village était plus puissant. Si le jeune homme réussissait à devenir un puissant guerrier capable de vaincre en duel les champions de l'autre village.

C'est le jour de ses dix-huit ans que le destin du jeune homme se scella.

Ce jour funeste, qui marquait aussi les dix-huit ans de Farnah, avait été choisi pour son mariage. C'était là la dernière chance pour Aurelion d’empêcher cette union maudite et de gagner la main de sa douce dans la foulée. Il ne lui faudrait pour cela qu'une seule chose, gagner un duel contre le futur marié.

Le combat fut long et rude. Malgré ses airs de vieil homme usé par l'âge, le chef du village adverse était un guerrier hors pair, qui vainquit aisément le jeune lion. Seule l'intervention de Farnah, qui plaida pour la vie d'Aurelion, fit que le chef ne tua pas son rival.

Le mariage fut prononcé dans l'après midi.

Aurelion ne participa pas à la cérémonie. Non seulement il était confiné à l’infirmerie pour soigner les quelques blessures qu'il avait reçu, mais en plus son père avait jugé mieux pour lui qu'il n’assiste pas à cela.

C'est empli de surprise qu'il reçut la visite de Farnah pendant la soirée. Elle avait les yeux rougis par les larmes et semblait extrêmement triste. Sans un mot, elle saisit la main du jeune homme et ils passèrent une heure ainsi à se regarder dans le blanc des yeux pour ce qui était sûrement la dernière fois de leur vie.

La destinée est une maîtresse cruelle. Surpris de la disparition de sa femme et aviné plus que de raison, Gastaros se dirigea, fureur dans l'âme, vers l'endroit où était soigné son rival. Ce qu'il vit le poussa encore plus profondément dans une torpeur haineuse qui mua vite en une soif de sang. Ce jeune cabot osait encore une fois l'insulter. Gastaros dégaina son épée et attaqua.

C'est Farnah qui réagit le plus rapidement. D'un geste gracile, elle se saisit du premier objet pouvait faire office d'arme qu'elle vit : le lourd bouclier d'Aurelion. Elle repoussa facilement les premiers coups, mais le marteau de guerre de son époux était trop pour le modeste équipement du jeune lion : bien vite, le bouclier de bois ne fut plus qu'échardes et, toujours plongé dans une rage noire, Gastaros commit l’irréparable et tua son épouse.

C'est à cet instant précis que quelque chose se brisa en Aurelion. Comme un robot, le jeune homme blessé descendit de son lit et saisit son épée avant de frapper le vieil homme, qui semblait avoir soudainement perdu toute envie de se battre. La main droite de Gastaros, celle tenant son arme, tomba au sol. Les deux hommes restèrent à se regarder, partageant la même lueur dans leur regard. Ils n'avaient, l'un comme l'autre, aucune envie de se battre. L'un venait de perdre son avenir politique, l'autre venait de perdre son cœur.

C'était la dernière fois que l'on entendit parler d'Aurelion a Regna Ferox. Pendant les six années qui suivirent, l'homme mis son bras au service d'une tripotée d'autres seigneurs dans tout le monde.

Ce que lui réserve le futur, personne ne le sait. Cependant, une seule chose est sure. Il n'y aura pas de repos pour les braves.