Sur une énorme surface s'étendaient les collines et falaises escarpées d'où émergeaient les eaux des sources chaudes et diverses cascades dont profitaient les habitants de Mei'an. Elles étaient appréciées pour leurs vertus, mais aussi pour la relaxation que pouvait entraîner une bonne réflexion sous ces eaux aux températures si variées. Et c'est ainsi qu'au fil de ses voyages errants, Taurok s'était arrêté à Mei'an, pour pouvoir profiter d'un peu de repos.

Ses troubles étaient incessants... Et surtout, il les vivait depuis un peu plus d'un siècle. Oui, son sang était mêlé, et il était ainsi doté d'une longévité largement supérieure à celle d'un humain de sang pur. Et pour lui, ce n'était pas quelque-chose de souhaitable, de vivre aussi longtemps. Mais que voulait-il, le monde l'avait fait ainsi... Il n'avait qu'à l'accepter.

Ainsi, torse-nu, il reposait assit sur un rocher alors qu'un léger filet d'eau traversait son crâne, s'écoulant de sa chevelure sur le reste de son corps... Que ce soit de près ou de loin, il n'avait pas l'air d'un Chon'sien : on pouvait aisément voir qu'il s'agissait d'un étranger. Ses affaires étaient déposées un peu plus loin : une hache de très bonne facture, un bâton de marche, et une épée dont la forme avait l'air plus adaptée pour causer des blessures terriblement douloureuses que pour abattre sa cible sur le champ. Et c'était sans compter sur son armure épaisse recouverte par sa tunique écarlate...

Bien que cet attirail ne soit pour le moins atypique, il n'était pas très connu aux environs de Chon'sin : c'était une autre raison pour sa venue. Il voulait s'exiler un peu au loin de sa triste renommée, celle de la "Mort rouge"... Il désirait simplement être un voyageur comme les autres, méditant sur le sens de sa vie sous l'eau. À l'origine autour de lui, il n'y avait personne : il avait choisi un petit coin éloigné des regards au creux d'une clairière, et à cette heure-ci, peu de monde se rendait aux sources en général. Cependant, il n'avait pas remarqué qu'il n'était plus seul...

Au bout de deux ans d’entraînements intenses, j'avais enfin pu devenir un chevalier pégase. Mes parents ont accueilli la nouvelle avec une joie. Ils sont fiers de moi et cela ne peut que me réjouir. Je vais enfin pouvoir me battre pour mon peuple, ma nation. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour prouver ma valeur à notre souverain. Toutefois, à l'heure actuelle, il est plus temps de se détendre. J'ai besoin de détendre mes muscles après mon combat contre celui qui m'a prise sous son aile deux ans auparavant. Même si j'ai enfin pu le toucher grièvement, monsieur n'a pas hésité à mettre toute sa force dans ses attaques.

Soupirant, mes mains viennent se placer dans ma chevelure couleur herbe. Avec des gestes précis, comme s'il s'agissait presque d'un rituel, je dénoue ma queue-de-cheval. A présent libre comme l'air, je m'attaque à la boucle d'oreille que je porte à l'oreille droite. C'est tout une histoire pour pouvoir profiter de la source chaude n'est-ce pas. Même si je pouvais faire penser à un garçon - bon après, ça m'étonne vu mes vêtements -, je reste quand même une jeune fille très douce et qui prend soin d'elle. À cette heure-ci de la journée, il n'y a jamais grand monde... Toutefois, je préfère quand même m'éloigner dans un coin paisible. Pas que je n'aime pas les autres, mais on va dire que j'ai besoin de solitude pour pouvoir me détendre totalement.

Posant mes vêtements sur le côté, je pénètre enfin dans l'eau. Rien qu'en mettant mon pied-droit, je soupire déjà de bien-être. Qu'est-ce que j'aime cette chaleur qui t'enveloppe tendrement. Je me demande si je n'étais pas un poisson dans une vie antérieure. Je dis ça, car j'aime beaucoup l'eau... C'est même mon élément favori parmi les autres, bien que l'air soit aussi agréable. L'eau détend, lentement, mais sûrement, mes muscles. D'ici plusieurs minutes, je ne ferais très certainement qu'un avec la source chaude, me laissant guider par le son de la nature qui m'entoure. Je n'aurais qu'à fermer les yeux pour tout oublier et m'imaginer mille et une chose.

Pourtant, les choses ne se passent pas toujours comme on le souhaite. J'étais bien trop perdue dans mes pensées pour ne pas le voir. Maintenant que je commence enfin à me relaxer, je remarque sa silhouette. Et oui, ce n'est pas trop tôt me diriez-vous, mais bon la fatigue doit y être pour quelque chose. Je ne vois que son dos, mais rien que comme ça, j'ai un frisson qui parcourt ma colonne vertébrale. Cet homme - car vu sa carrure, je doute qu'il s'agisse d'une dame - semble quelqu'un qu'il ne vaut mieux pas essayer de combattre lorsque l'on est une novice. Vous savez, l'intuition féminine peut sauver parfois une vie.

Devrais-je tout de même aller à sa rencontre ? Essayer d'aller lui parler ? Pourquoi le ferais-je de toute manière ? Par curiosité tout simplement. J'espère juste qu'il ne sera pas gênée de voir une fille nue s'approcher de lui, même si l'eau de la source chaude fait office d'une certaine protection. Il faut dire que je ne vais tout de même pas m'habiller juste pour aller le voir - puis, faudrait que je quitte ce petit cocon -.

Alors je m'approche de la silhouette de l'inconnu, ne sachant pas sa véritable nature. Avec le temps, peut-être que je ne serais plus la fille ignorante, qui n'a jamais quitté sa nation.

Le bruit de l'eau mouvante avait atteint son oreille avertie... Mais pourtant, il ne s'était pas offusqué, mis sur la défensive ou autre : il était bien loin d'Ylisse, et en train de détendre son corps et méditer sur sa situation actuelle. Il n'y avait pas besoin de faire dans la méfiance excessive ou dans la paranoïa... Son esprit était apaisé, comparé à d'habitude, bien que les tourments d'une vie aussi lourde de violence n'étaient jamais bien loins. Sa tête se tourna légèrement, ses yeux doucement ouverts, révélant partiellement son visage.

Ses traits étaient fins mais élégants, mais aussi durcis par le combat. On sentait rien qu'à l'apparence générale de son faciès qu'il était quelqu'un d'expérimenté à la jouvence anormale. Ses yeux se portèrent sur la jeune femme derrière lui, paisiblement, sans avoir l'air d'exprimer le moindre ressentiment ou même une quelconque forme d'antipathie. Au contraire, il semblait plutôt accueillant, bien qu'un peu réservé

« Ces sources sont apaisantes pour le corps et l'esprit... J'aurais du venir à Chon'sin bien plus tôt. »

Sur ces paroles adoucies et légèrement neutres, il avait engagé la discussion... Après tout, il n'était pas très approprié de faire son solitaire, encore moins en présence d'une dame. Taurok se tourna alors légèrement, pour lui faire face, un linge épais couvrant le bas de son corps tandis qu'il restait assit sur son rocher atteignant tout juste la surface de l'eau.

Ce fameux corps était taillé comme celui d'un guerrier aguerri. Des muscles ciselés et des cicatrices parsemées à plusieurs endroits plus ou moins discrets, ainsi qu'un grand tatouage recouvrant son épaule, représentant un motif tribal. Qui qu'il soit, il n'avait en tout cas pas du tout l'air d'être un Chon'sien, loin de là. Il ne semblait pas possible d'identifier une quelconque nation dont il aurait pu provenir, ce qui épaississait cet espèce d'aura mystérieuse qui l'enveloppait.

Ses yeux étaient clairs et éveillés, mais on pouvait ressentir une énorme fatigue intérieure. Pas une fatigue immédiate, mais une sorte de fatigue globale. Celle qui murmure souvent aux plus braves d'arrêter de chercher à se battre et de se remettre en question : l'épuisement d'un combattant ayant lutté toute sa vie et commençant à douter de lui-même. C'était d'autant plus improbable que son âge ne semblait pas spécialement avancé... Bien au contraire, il semblait même plutôt jeune, entre la vingtaine et la trentaine tout au plus.

Bien ironique était la vérité de son âge : plus d'un siècle... Son sang était partiellement celui d'un Dragon. Sa longévité, ainsi, dépassait celle des humains. Sa nature n'en était que plus triste, mais après tout... On ne récolte que les fruits de ce que l'on sème.

N'ayant pas attaché de nouveau mes cheveux, ceux-ci m'offrent au final une certaine intimité en se collant contre mon corps nu. Certes, je n'étais pas très discrète, mais d'un autre côté, je m'en fichais quelque peu. De toute manière, cela ne semble pas le gêner. Sa phrase me fit sourire... Intérieurement bien sûr. Je ne suis pas vraiment du genre à montrer ouvertement ce que je pense aux gens, surtout à ceux que je ne connais pas. Il n'est pas un Chon'sin, sa réplique me la prouvée plus que son apparence - même si j'avais pensé la même chose sans qu'il ouvre la bouche pour le confirmer -. Mon regard émeraude se pose sans gêne sur les cicatrices ornant son corps. Il semble avoir vécu une vie assez mouvementée. Pourtant, il n'a pas l'air si vieux. Le pauvre ? Non, ce n'est pas ce que j'allais dire. D'accord, c'est assez effrayant sur le coup de voir une aussi jeune personne avec un corps meurtri à se point. Je me demande bien ce qu'il a fait pour recevoir tout ça.

Malgré tout, je ne lui pose pas la question. Ceci est bien trop impoli et puis, même s'il a l'air accueillant, il y a quelque chose en lui qui me bloque un peu. Encore une fois, je serais encore incapable de donner dire pourquoi. En voyant que celui-ci porte un linge pour masquer le bas de son corps, je me dis que je devrais en faire de même... Au moins, par respect pour cette personne. Toutefois, bien que je le pense, mon corps ne suit pas, restant toujours dans la même position. N'ayant pas attaché de nouveau mes cheveux, ceux-ci m'offrent au final une certaine intimité en se collant contre mon corps nu. Je n'aurais pas dû oublier ce détail ! Que j'aime ma chevelure verte, surtout lorsqu’elle peut bouger à sa guise, sans entrave - une liberté de courte durée -.

Au bout de quelques secondes de silence, je me dis qu'il est peut-être temps que je lui réponde. Bon d'accord, sa phrase ne demande pas forcément une réponse, mais il a permis grâce à cela d'engager la conversation. Reposant mon regard dans celui de l'homme, j'ouvre la bouche.

"Ces sources sont l'endroit favorable pour les personnes qui se sentent épuisées. Physiquement comme mentalement parlant."

Mes paroles sont vraiment plus chaleureuses que le reste. Je devrais peut-être essayer d'esquisser un sourire pour paraître un peu moins garçon manqué. J'aurais bien aimé rajouter qu'il n'y a pas meilleurs endroit dans le monde entier que ces sources, mais cela ne serait très certainement pas vrai, vu que je ne connais rien du monde qui m'entoure - j'entends par là, au-delà de Chons'in -.

"Vous savez, il y existe aussi à Chon'sin plein d'autres endroits merveilleux. Nos ancêtres nous ont laissé des paysages d'une beauté sans égales."

C'est ce que je crois, libre aux autres de penser ceux qu'ils veulent. En fait, je pense même que c'est le passé - parfois peut-être très difficile à vivre - qui a su rendre cette nation merveilleuse. Oui, je suis peut-être un peu trop folle de voir la chose comme cela, mais sans nos ancêtres, nous ne serions très certainement pas là. Il ne faut pas l'oublier non ?

C'est en se tournant et en la voyant de plus près qu'il remarqua... sa nudité. Oui, il avait beau avoir vécu beaucoup de choses, une femme charmante aussi peu vêtue, ça n'était pas à tous les coins de rue qu'il croisait ça, bien qu'il sache retenir ses instincts plus primitifs. Après tout, il était bien capable de réduire à néant les pulsions violentes que son sang de Dragon Déchu pouvait apporter chez certaines personnes... Il ne fallait pas perdre de vue que Taurok restait partiellement le descendant d'un Dragon Déchu, bien que cet héritage ne se soit très dilué en lui...

Visiblement, elle lui vantait Chon'sin, et il pouvait comprendre pourquoi. Ce pays était tout bonnement relaxant, en plus d'être beau. Peut-être bien qu'il avait trouvé enfin un petit coin de paradis où rester lorsqu'il désirait reposer son corps et son esprit. L'ambiance y était tranquille, l'endroit était sublime, et sa réputation ne le suivrait pas jusqu'ici. Quitte à ne plus rien avoir dans la vie, autant passer le restant de ses jours dans un lieu qui serait plus bénéfique pour lui...

La jeune femme qui se tenait devant elle semblait avoir une certaine curiosité, bien qu'elle ne la cache habilement. Taurok était doué pour déceler ce genre de chose, même s'il n'aimait pas les agiter devant ses interlocuteurs à tout bout de champ... Ainsi il reprit la conversation, simplement, acquiesçant à ses dernières paroles

« Pardonnez ma curiosité, mais... Qui êtes-vous ? »

Oui, il ne pouvait pas ignorer cette vieille habitude de toujours connaître au moins le nom de son interlocuteur - enfin, son interlocutrice en l'état actuel des choses. Et puis, il préférait également changer ses idées en présence d'une femme au corps si exposé : s'il laissait le silence s'installer, son esprit pourrait se mettre à imaginer des choses moins élégantes. Ben, quoi ? N'oubliez pas qu'il est seul depuis pas loin d'une vingtaine d'années. C'est pas facile tous les jours...

Je devrais vraiment penser à être un peu plus respectueux envers les gens. Même si je n'ai pas honte d’exhiber mon corps - en même temps, nous somme tout né de la sorte -, la personne que j'ai devant moi reste quand même un homme. En général, on ne dit pas non à une belle vue, même si la fille est peu fournie. Et oui, il y a toujours des formes agréables à mater n'est-ce pas ? Bon, j'avoue que je serai à sa place, je ferai très certainement la même chose que lui. Pour une fois, ce n'est pas moi qui commence avec mes questions. Cela m'amuse de l'entendre me demander mon nom. S'intéresse-t-il aussi à moi - autre que pour ma nudité - ? Franchement en pensant de la sorte, on croirait que je parle de quelque chose un peu louche. Esquissant un micro sourire, je réponds au blond.

"Ne vous inquiétez pas, je dois avouer que je suis aussi curieuse concernant votre identité."

Je marque une pause, histoire de replacer une mèche qui m'obstrue la vue derrière le lobe de mon oreille gauche. Autant être franche avec la personne, même si certains pourraient mal le prendre que d'être si curieux envers leurs égards. En même temps, nous avons tous l'envie de garder une part de mystère. Je pense que le blondinet aussi - heureusement que je ne sais pas qui il est vraiment, car je prendrais très certainement peur -.

"Sinon, pour répondre à votre question, je suis Her'yë. Comme vous pouvez vous en douter, je suis une chonsi'enne."

Je devrais peut-être rajouter que je suis fière de mon pays, mais cela doit se voir grâce à mon regard brillant lorsque j'évoque cet endroit. Que voulez-vous, je n'ai jamais voyagé ailleurs et j'ai eu le droit à une très bonne éducation. Je ne tolérerais pas que l'on profane nos ancêtres - et cela ne m'arriverait jamais en tête de le faire -. A part les sources chaudes, j'aime aussi beaucoup me recueillir sur les Terres sacrées du Dragon Divin. Je n'ai peut-être pas de sang de dragon en moi, mais je respecte beaucoup Naga. D'ailleurs, je me demande s'il est possible de pouvoir entrer en contact avec elle... Je dis ça, car mes parents m'ont dit que s'était apparemment possible pour quelques privilégiés.

Je décide de me poser contre un rocher. Ce n'est pas très confortable, mais au moins, je serai un peu plus à l'aise que de rester debout pour je ne sais combien de temps. Mes cheveux forment toujours une barrière - bien que risible - contre ma nudité. Ceux qui touchent l'eau, flottent tout autour de mon corps, tandis que les autres ont une fâcheuse manie à se coller contre mon visage - et surtout devant mes yeux -.

"Désoler si je parais indiscrète, mais d'où venez-vous ?"

D'où venait-il ? C'était une bonne question. La jeune femme semblait curieuse, intriguée, et Taurok semblait ressentir comme un intérêt dans ses questions, bien qu'il ne comprenne pas vraiment ce qu'il pouvait avoir de si intéressant. À vrai dire, il finissait pas ne plus spécialement être gêné par sa nudité. Il était quand même un guerrier expérimenté qui avait croisé énormément de choses dans sa vie... Ça n'allait pas être une jeune femme dévêtue dans un bain qui allait le surprendre, après tout, non ? Mais fort heureusement, il n'était pas spécialement connu dans ce coin du monde. Au moins, ici, il pouvait juste être un voyageur anonyme et peu loquace. Il n'était plus la Mort Rouge. Du moins, c'est ce qu'il croyait...

Alors qu'il s'apprêtait à répondre à la Chon'sienne, une voix se fit entendre. Non loin d'eux, des étrangers, simplement vêtus d'une serviette de bain autour de la taille, regardaient dans sa direction. Ce qu'il lui dit ne lui plut pas, mais alors pas du tout...

« C'est... C'est la mort rouge ?! »

Le petit groupe s'approcha d'eux, semblant marmonner des choses, et Taurok se doutait bien de la nature de leur discussion : ils l'avaient reconnu... La "Mort Rouge", le fléau d'Ylisse. Bien que cela fasse des années qu'il se soit fait plutôt discret, son nom et son apparence étaient de bien triste réputation sur l'autre continent. C'était bien sa veine que des Ylissiens ne croisent sa route à Chon'sin...

« Toi... J'devrais t'égorger sur place, pour tout ce que t'as fait à Ylisse ! »

Mais alors que l'homme le plus proche de lui lui envoyait un coup de poing fulgurant, Taurok lui attrapa le poing d'un coup sec, le stoppant net, avant de le regarder droit dans les yeux. Ce regard qu'il lui envoyait était assez effrayant, très dissuasif, et c'était surtout le regard d'un tueur sans pitié. Il n'avait plus rien pour lui, alors il n'avait plus aucune peur des conséquences de ses actes

« Je vais vous laisser à tous les trois une chance de sortir d'ici vivants... Une. Et si vous pensez que je plaisante, repensez à tout ce qu'on vous raconte sur moi. Si vous croyez que les histoires sont exagérées, alors prenez le risque. Mais je vous aurais prévenus, gamins... »

Relâchant le poing de son attaquant qui grimaçait de douleur, les hommes semblaient avoir perdu toute volonté de se battre... Ni une, ni deux, ils se mirent à détaler dans le sens opposé, même ! Mais le plus triste dans cette histoire, c'était qu'il venait d'être sali en présence d'une personne qui n'avait rien à voir avec tout ça. Même si elle ne connaissait pas sa réputation, elle devait avoir eu un bon aperçu de comment d'autres endroits du monde le voyaient. S'adossant à un rocher et laissant un long soupir s'échapper de sa gorge, la tête légèrement inclinée en direction du ciel, il reprit d'un ton songeur et paisible qu'il n'avait toujours pas abandonné depuis tout à l'heure, même au moment de proférer des menaces virulentes envers ses assaillants

« Désolé pour ce contretemps... On ne peut pas dire que j'ai la cote partout dans le monde. Je ne t'attirerais que des problèmes. Si tu tiens rien qu'un peu à ta réputation, tu devrais t'éloigner de moi »

Ils n'ont pas honte de venir s’immiscer dans les conversations des autres ? Même s'ils ont l'air de connaître le blondinet, ce n'est pas une raison, surtout lorsque l'on se trouve dans des sources chaudes. C'est censé être un lieu reposant, pas un endroit où l'on déclenche une bagarre. Bon, j'avoue, que cela m'intrigue d'entendre un surnom pareil pour désigner une personne qui ne me semble pas si sanguinaire que ça. Après, je ne suis pas la meilleure placée pour pouvoir juger ce qui semble s'être déroulé il y a déjà quelque temps - et surtout, dans un endroit que je ne connais pas le moins du monde -.

J'étais sur le point de m'interposer lorsque l'homme chercha à envoyer un coup-de-poing au blondinet. Toutefois, celui-ci fut bien plus rapide et je ne pue que restais interdite. Autant, ils y a quelques minutes, je trouvais mon inconnu fort aimable, autant maintenant... Son regard me glace le sang. Peut-être qu'au final, les deux autres ont peut-être raison. NON ! Je ne dois pas douter ! Certes, il a l'air d'un véritable tueur avec ce regard, mais cette phrase semble contredire ce sentiment qui commence à naître en moi. Je pense, que s'il est véritablement un meurtrier, il n'aurait pas cherché à les faire déguerpir par des menaces. Devrais-je essayer d'en savoir un peu plus sur lui et son mystérieux surnom ? Peut-être qu'il ne sera pas très coopératif, alors je verrais bien comment évolue la conversation.

Je me permis de pouvoir respirer plus calmement lorsque les deux troubles fêtent quittèrent les lieux sans demander leurs restes. Maintenant, le blond semblait beaucoup plus accueillant que quelques secondes auparavant. Toutefois, il avait l'air un peu songeur... Pourquoi donc ? Parce qu'il pense que je vais avoir peur ? Bon d'accord, j'avoue que j'ai quelques réticences à présent, mais d'un autre côté, je préfère connaître moi-même la personne avant de la juger. De toute façon, je ne suis qu'une ignorante, donc autant garder cet aspect-là pour aujourd'hui.

M'autorisant un bref sourire - je n'ai pas l'habitude de montrer ce genre de chose sur mon visage -, je m'approche lentement vers la fameuse "mort rouge". Il me conseille de l'éviter, mais pourquoi ai-je cette impression que cela ne le contente pas ? Il doit très certainement avoir l'habitude de se retrouver seule à cause de ce qu'il semble être - que je ne connais pas le moins du monde d'ailleurs -.

Une fois à quelques pas seulement de lui, je penche la tête sur le côté, mon regard émeraude cherchant tant bien que mal à capter son attention.

"Vous savez, je ne connais rien du monde qui entoure Chon'sin, alors je ne vais pas m'éloigner de vous juste parce que des personnes semblent ne pas vous porter dans leurs cœurs. Peut-être que c'est une erreur, mais je tente le coup quand même."

J'espère sincèrement qu'avec mes paroles, cela apaisera son ressentis face aux mots des deux idiots. Après, il en a peut-être l'habitude... Mais au final, est-ce que l'on s'y fait vraiment avec le temps ? On essaye très certainement de ne pas le montrer, mais cela blesse toujours.

Visiblement, il avait du la gêner un peu. Mais bon, il ne le prenait pas mal. Après tout, il était habitué : avec lui, si quelqu'un lui cherche des problèmes, il en trouvera. Bien qu'il ait une certaine forme de sagesse à sa disposition, il préférait, lorsque la facilité lui permettait, faire plutôt usage de la force pour obtenir ce qu'il souhaitait, pour pouvoir atteindre plus vite ses objectifs. Les mots des deux ylissiens ne l'avaient pas spécialement blessé, mais il en avait un peu raz-le-bol. La mort rouge, le fléau ylissien, le boucher du Saint-Royaume... Bien que ses actes les plus violents ne remontent à bien longtemps, son passé était resté ancré dans les mémoires de beaucoup de gens.

Après, bien sûr, il le vivait comme il le pouvait. Seulement, maintenant, il allait devoir expliquer à une Chon'sienne pourquoi sa réputation était en danger avec lui. Alors il reste assit, toujours aussi serein, et commença à lui parler sans une once d'énervement, ni même la moindre menace déguisée : juste une explication simple, claire et précise.

« À vrai dire, j'ai pas mal été à Ylisse... Ceux qui me reconnaissent me surnomment la "Mort rouge", en raison de tout ce que j'ai pu faire. Aujourd'hui bien sûr, je n'ai plus rien à faire de toute cette brutalité, je n'ai plus la passion du sang et du combat qui me fait frémir. Évidemment, ça ne m'excuse pas, et je ne me sens désolé pour rien. Mais je tiens à préciser que je ne me chercher pas d'excuses...

Je suis comme ça, c'est tout. Maintenant, si vous trainez avec moi, vous finirez au mieux comme mes camarades, ma femme et mes filles exterminés par les veilleurs, au pire à vivre dans la honte car vous côtoyez l'un des criminels les plus prolifiques de ces dernières décennies. Ah, et toute personne un poil sensible à ce genre de chose vous dira qu'en plus de ça, mon sang empeste la puanteur du Dragon Déchu... Ça vous tente toujours ? »

Bien qu'il ne semble pas désolé, on pouvait difficilement l'imaginer être un meurtrier brutal, dans ce genre de situation. Il semblait plus sage, avisé, mature... Le sang de Dragon dans ses veines s'était calmé, et il ne lui fournissait plus ces pulsions assassines qu'autrefois il pouvait ressentir. Toutefois, lorsqu'on l'attaquait, il ne retenait la contre-attaque que dans la mesure où sa patience restait plus ou moins intacte. Ce qui n'était pas toujours le cas, face aux plus persistants des imprudents.

Je fronce les sourcils lorsque le blondinet prononce sa dernière longue phrase. Est-il sérieux lorsqu'il affirme avoir du sang du fameux Dragon Déchu ? Ne dit-il pas cela, juste pour que je m'éloigne tout simplement de lui ? À en juger par son regard, je me dis qu'au final, il n'a peut-être pas si tord que ça. Mon corps se met à trembler lentement et pensant au Dragon Déchu... Grima. J'ai beau être une ignorante du monde qui m'entoure, je connais quand même qui est cet être abominable. Voilà pourquoi la peur s'installe doucement en moi. Sans m'en rendre compte, je fais quelques pas en arrière. C'est complètement idiot de réagir de la sorte, surtout quand je me sens aussi intriguée par une personne.

Il a beau dire ce qu'il veut, il semble quand même avoir beaucoup souffert de ce qu'il est. En même temps, il n'a très certainement pas voulu voir le monde avec des gènes d'un monstre qui a essayé d'anéantir un monde. Comme on dit souvent, on ne choisit pas ses parents. Devrais-je quand même prendre le risque de continuer à lui parler ? Au pire, je n'aurais qu'à faire ce que je sais faire depuis toujours... L'ignorante. Tant que je reste à Chon'sin, cela ne posera pas trop de problèmes, je suppose. De toute manière, s'il est ici, c'est surtout pour se reposer. Je ne pense pas qu'il va libérer sa haine - et au pire, je resterais sur mes gardes -. Reprenant contenance, je me gratte la joue droite - une vieille habitude que j'ai prise lorsque je me mets à réfléchir à toute vitesse -.

J'ai laissé le silence planer trop longtemps. Peut-être a-t-il donc l'impression que je vais prendre mes jambes à mon cou - ou alors, il l'espère -. Toutefois, je reste devant lui, mon regard se faisant un peu plus chaleureux.

"Vous risquez très certainement de me prendre pour une idiote, mais je tente le coup pour vous tenir compagnie. Au moins, ne serait-ce que pour aujourd'hui. Je ne suis pas assez sensible pour ressentir cette puanteur comme vous l'appelez. De plus, je ne connais pas les autres nations, alors comment pourrai-je savoir qui vous êtes réellement."

Je pourrai dès lors savoir si je peux lui faire confiance ou non. Par contre, si mon souverain m'ordonne de combattre cet homme, je le ferais sans hésiter - car je reste, malgré tout, une fière chon'sienne -. Pour l'instant, mettons de côté toute cette agitation qui se passe dans ma tête et laissons les sources chaudes apaiser les esprits.

"Mon prénom est Her'yë. J'espère que Chon'sin sera vous requinquer comme il se doit."

On pouvait parler d'une réaction inattendue... Visiblement, la jeune femme semblait prête à tenter de le connaître un peu mieux. C'était assez rare : bon nombre de personnes s'enfuyaient lorsqu'ils réalisaient qui Taurok avait été par le passé et quelle était sa réputation. On parlait rarement de lui comme d'un homme honorable, excepté peut-être dans quelques coins reculés et perdus de Valm. Et pourtant, ce sang de Dragon qui bouillonnait en lui s'était apaisé depuis bien longtemps, et les furies sanguinaires dont il pouvait être victime n'étaient plus aussi déchaînées et fréquentes. Aujourd'hui, il pouvait contrôler ces pulsions pour ne plus commettre d'acte aussi têtu et borné...

Évidemment, il n'était pas pour autant un tendre ou quelqu'un de tout rose. Ces décennies de carnage et de tyrannie l'avaient affecté, dans un certain sens, mais souvent de façons dont les gens ne se seraient jamais douté... Alors, après un haussement de sourcil, il finit par se présenter, un léger sourire en coin surpris et cordial animant ses lèvres tandis qu'il dévoilait son nom à son interlocutrice

« Décidément, vous arrivez encore à me surprendre... Je m'appelle Taurok »

Sa voix s'était légèrement adoucie, comme rassurée par ses paroles. Au moins, il savait qu'il pouvait parler sans forcément être victime de préjugés ou de flou quand à son passé. S'appuyant de nouveau contre un rocher, il ferma les yeux en profitant de l'eau chaude qui détendait son corps, avant de lui lancer un regard en coin, en reprenant la parole

« Je pourrais vous faire sortir un peu de Chon'sin, si vous le voulez... On dirait que vous êtes restée un peu trop confinée ici depuis longtemps. Alors, si ça vous tente, après mon séjour ici, je pourrais vous emmener visiter un peu des coins plus reculés du monde. Ça vous changerait... »

Son offre était tout à fait sérieuse. Après tout, quitte à voyager lui-même, pourquoi ne pas en profiter pour amener quelqu'un avec lui ? Il aurait pu lui montrer l'arène de Regna Ferox, les rues d'Ylisstol en pleine journée, la place des lumières de Rosanne, les défilés militaires de Valm... Tant de choses typiques que seul un voyageur curieux et chevronné aurait pu connaître.

Apparemment, mon choix avait su le surprendre. Tant mieux, cela me réjouit grandement, car au final, je me dis que les autres avaient vraiment eu l'habitude de déguerpir comme des malpropres. Ce fameux Taurok n'a pas dû avoir de vraies compagnies depuis plusieurs années n'est-ce pas ? Lorsqu'il me dit que j'arrive à le surprendre encore, j'ai vraiment l'impression de voir un vieux monsieur - et si je savais réellement son âge, alors mon impression n'est décidément, pas étonnante -. Grimaçant à cause d'une douleur qui commençait à naître au niveau de ma nuque, je pose une main sur mon cou et entame une légère pression... Un petit massage quoi. Je laisse mon geste en suspens en écoutant la proposition de l'homme.

Je n'en crois pas mes oreilles. Il me propose sérieusement de me faire découvrir le monde qui m'entoure au-delà de Chon'sin ? Que devrais-je lui répondre ? D'un côté, je suis vraiment tenté de lui répondre oui avec des yeux brillants... Mais de l'autre, je pense à mes camarades que je vais laisser en plan. Est-ce que mon souverain serait d'accord pour me laisser partir, alors que je suis fraîchement sortie de mes années d'entraînements. Peut-être que se serait l'occasion pour récolter des informations pour mes camarades - qui sait, j'aurais peut-être des nouvelles très intéressantes à leur transmettre -.

Je m'étire de tout mon long tout en réfléchissant à cette proposition. Sans m'en rendre compte, mon geste dévoile un peu plus une certaine partie de mon anatomie qui se nomme poitrine. Personnellement, je m'en fiche un peu surtout que je suis nue depuis que je suis arrivée, mais là, il doit avoir encore plus une meilleure vue sur ma poitrine. Le pauvre, il doit vraiment se demande qu'elle genre de femme, je suis. Prenant une voix sérieuse, je décide de répondre au blondinet, les bras à présent croisés contre ma poitrine.

"C'est très gentil à vous de me faire une proposition aussi intéressante. Toutefois, j'aimerais que vous me laissiez quelques moments pour me décider. Voyez-vous, je viens à peine de finir mon entraînement. Je me demande si cela ne gênera pas mon peuple que de quitter Chon'sin, même si c'est pour découvrir le monde qui m'entoure."

Je suis fière d'être née ici, j'ai un peu de mal à m'imaginer que je serais un jour capable de prendre mon envol. Pourtant, je ne peux pas rester une ignorante jusqu'à ma mort. De plus, Taurok a vraiment l'air de connaître des endroits qui sauront m'émerveiller. Et qui sait, peut-être serais-je en mesure d'en savoir un peu plus sur lui et sa nature de vil assassin sanguinaire.

"Avez-vous des idées sur des endroits qui pourraient être intéressants ?"

Tout en lui posant des questions, je décide de me mettre à l'aise. C'est-à-dire, m'appuyer à mon tour contre un rocher, après m'être bien entendu assuré à ce que mes cheveux fassent office de 'serviette'. Ce que je ne sais pas, c'est que si je pars avec lui, je vais m'embarquer dans une histoire qui m'est encore inconnue et qui au final, concerne tout le monde. La paix est souvent quelque chose d'éphémère et avec le temps, elle finit par être troublée par des tensions de plus en plus visibles.

La jeune Chon'sienne semblait très curieuse. À vrai dire, la curiosité était un trait que Taurok appréciait beaucoup. C'était en se posant beaucoup de questions sur tout et tout le monde qu'on finissait par apprendre beaucoup de choses, après tout. Ce n'était pas avec du désintérêt qu'on finissait par s'instruire. Et puis, si elle était curieuse, c'est qu'elle s'intéressait un peu à lui. Bon, pas dans le sens... Enfin, ce n'était pas un intérêt romantique - du moins, il ne le supposait pas, mais c'était plutôt du au fait qu'il était un voyageur chevronné et quelle une native de Chon'sin qui n'avait jamais quitté son pays natal; tout lui semblerait si différent...

Elle souhaitait prendre du temps pour se décider, ce qui fit un peu sourire Taurok. Après tout, on parlait d'une personne à l'influence assez étendue. Il avait beau ne pas être renommé en tant que noble, ses prouesses de guerre lui garantissaient une certaine notoriété chez les classes supérieures, qui s'informaient sur ce qui se passait dans les autres pays. Et son nom, il était très connu, même par-delà les mers, lorsqu'on en faisait mention aux plus hauts placés.

Sa question était révélatrice de son envie de visiter le monde, toutefois. Des endroits intéressants ? Ah, ça, oui, Taurok en avait vu beaucoup. Et il comptait bien motiver un peu son départ histoire d'avoir un peu de compagnie durant ses voyages, pendant un temps, et surtout pour elle : une vie entière à tout ignorer du monde extérieur, ce n'était pas vraiment un traitement digne d'une personne curieuse...

« Des endroits intéressants ? Oh que oui. J'en ai visité des tas... La cité de Steiger pendant un défilé impérial, l'Arbre de Mila, la cité d'Ylisstol, l'arène de Regna Ferox, l'assemblée des Khans... Il y a des centaines de lieux marquants à visiter en ce monde, ça, vous pouvez me croire »

À son ton, on devinait qu'il avait de bons souvenirs de ces endroits... Tous ces lieux qu'il avait visité en toute une vie, et pourtant, maintenant qu'il y repensait, tout ça lui semblait bien superficiel et inutile. Il avait cavalé si longtemps, et pourtant, il restait un félon errant et sans attaches. Il n'avait plus rien sur quoi s'accrocher, plus personne dans sa vie, plus d'honneur. C'était une coquille vide qui représentait vaguement ce qu'il était autrefois, et il ne pouvait au mieux que se contenter de guider d'autres personnes vers de meilleurs destins que le sien. Il n'était pas bon d'errer sans avoir de réel but, au final...

Je ne savais pas que le blondinet était en fait quelqu'un de connu chez les gens haut placé. En fait, cela est peut-être mieux que je ne le sache pas, car je n'aie pas envie que cela influence ma décision ou encore, celle du souverain si je lui en tiens deux mots. Je ne suis qu'une membre d'un clan qui n'est pas très influençable à Chon'sin. C'est peut-être pour cette raison que j'ai tenu absolument à devenir un chevalier pégase... Pour montrer ma valeur, mais aussi pour donner une renommée à mon clan. À la réponse de Taurok concernant les lieux à visiter, je penche la tête sur le côté, exprimant une moue pensive. En fait, j'essaye de m'imaginer à quoi tous ces lieux peuvent bien ressembler. L'arène de Regna Ferox pique encore plus ma curiosité. Je me demande bien si je pouvais participer à un combat si l'on y passe tous les deux. Cela pourrait être enrichissant de voir comment se batte les gens des autres nations. Enfin, cela doit surtout changer par rapport à l'éducation, au caractère donc. Qui sait ce qui pourra arriver, peut-être que c'est mon destin de parcourir le monde avec le blond - bien que je ne fasse pas trop confiance au destin -.

"Cela semble tellement intéressant à aller voir."

Je dis cela dans un murmure, alors que mes pensées se projettent déjà par-delà les terres de Chon'sin. Quitter la monotonie pour quelque chose de plus excitants, plus alléchant. Rien que pour ça, je serai tenté de déjà donner une réponse à l'autre qui se voudrait positive. Toutefois, je ne le fais pas. On va laisser un peu le mystère planer, bien que je ne doute pas qu'il connaisse déjà ma réponse. Je crois que Taurok choisis bien ses mots dans cette discussion pour m'inciter à la découverte. Ce n'est pas si compliqué au final pour une personne curieuse... Car même si l'on dit non au début, on y pense généralement par la suite encore et encore, avant de revenir sur la décision. C'est un peu comme les personnes qui sont trop franches. Parfois, ça leur arrive de se taire pour ne pas blesser l'autre, mais au final... Les mots voudront toujours sortir.

"Chon'sin reste donc l'une des seules nations que vous n'avez pas vraiment visitée ?"

Je demande cela en replongeant de nouveau son regard dans le sien. Il a l'air tellement plus mature que moi - ce n'est pas bien difficile me direz-vous, mais bon -. J'aimerais qu'il me réponde positivement, car ça sera une bonne occasion pour ma part de lui faire découvrir cet endroit magnifique. Si ça se trouve, il me fera marcher pour me persuader un peu plus. Maintenant que j'y pense, si j'accepte, il va falloir que l'on se tutoie. Sinon cela risque de me faire bizarre de continuer à le vouvoyer alors que nous marchons côte à côte.

"Si je dis oui, est-ce que nous retomberons encore sur des gens comme ceux de tout à l'heure ?"

Bon, il est vrai que cette question est un peu idiote lorsque l'on sait ce que Taurok m'a dit à propos de sa nature. Cependant, je ne peux pas m'en empêcher. Cela doit le peser à force, surtout lorsque l'on voyage seul. Est-ce que je serais capable de lui tenir compagnie et de le rendre un peu moins vide à l'intérieur ? Non, ce n'est pas une allusion perverse que j'ai en tête en me disant cela. Ce n'est pas bien que de voir des sous-entendus dans tous les propos d'une personne. Puis, dans le pire des cas, ça ne serait pas quelque chose de stable - même si je ne veux même pas m'imaginer quoi que ce soit, je suis bien seule sentimentalement parlant pour le moment -.

Visiblement, les paroles de Taurok attiraient l'intérêt de la jeune femme tout autant que sa curiosité. Elle semblait réellement tout ignorer des nations extérieures à Chon'sin, ce qu'il trouvait légèrement dommage, bien qu'il trouve cette forme d'innocence un peu touchante. Il allait lui-même bientôt partir du pays, alors pourquoi ne pas en profiter pour lui montrer un peu le monde environnant ? Après tout, la découverte de nouveaux horizons ne pouvait qu'être bénéfique pour elle. Découvrir de nouvelles cultures, des moeurs différentes, d'autres paysages... Il sentait que le voyage ne pourrait qu'être intéressant. Évidemment, ces temps ci, son attention revenait naturellement vers Valm. Bien qu'il soit toujours un vagabond, il sentait pour une raison qu'il ne parvenait pas à quantifier que son destin était étroitement lié à sa patrie d'origine...

Ses questions étaient, comme d'habitude, compréhensibles. Elle n'était jamais partie de chez elle, et elle ne connaissait pas vraiment grand chose du monde au delà de Chon'sin. Alors il tenta de lui répondre du mieux qu'il pouvait

« Oui, je ne suis jamais vraiment allé à Chon'sin avant. J'ai visité beaucoup d'endroits, et, à la base, je suis originaire de Valm. Seulement, disons que dans le temps, les relations entre Valm et Chon'sin n'étaient pas... idéales. Bien que ça se soit très grandement amélioré aujourd'hui, ça n'a pas toujours été le cas. Il est dur d'oublier qu'il y a un peu plus d'un siècle, le pays était mené à la baguette par le Conquérant Walhart. Ce n'était pas exactement ce qu'on peut appeler des relations très cordiales... »

Le plus étrange, c'est qu'il en parlait comme s'il avait vécu non loin de cette époque. À vrai dire, il n'avait pas connu le Conquérant et la grande guerre, il n'était qu'un jeune enfant alors que la guerre civile se répandait sur le pays, ce dernier finissant à feu et à sang des années durant pour pouvoir le reconstruire sur de meilleures bases. Ce n'était pas une belle époque... Mais elle avait été nécessaire pour que le Grand Empire puisse exister un jour.

Sa deuxième question était plutôt une préoccupation pertinente... Oui, sa réputation n'était pas parfaite partout, mais tout dépendait du pays.

« À vrai dire... Ce n'est pas impossible, même si tout dépend du pays. Autrefois, j'étais un héros à Valm, ainsi certains me verraient plus comme un combattant d'honneur dans cette partie du monde. Mais si nous passons par le continent Ylissien... Il n'est pas impossible que d'autres personnes me reconnaissent pour les mauvaises raisons, bien que j'ai cessé mes activités plus nuisibles il y a si longtemps que je suis surpris que certains puissent encore s'en souvenir. Si vous préférez protéger votre réputation... Je comprendrais. Après tout, peut-être que je ne suis pas le compagnon idéal pour voyager en toute quiétude. Mais c'est votre choix, pas le mien »

En effet, il n'aurait pas voulu qu'elle regrette quoi que ce soit. Il pouvait lui montrer le monde, lui faire découvrir de nouveaux horizons, mais cela pouvait également impliquer des moments difficiles si le passé de Taurok le rattrapait. Ce n'était pas une certitude, mais le danger n'était jamais bien loin...

Lorsqu'il me parla du Conquérant Walhart, je fronçai légèrement les sourcils. Cette histoire, je la connaissais plus où moins grâce aux histoires que me racontait ma mère lorsque j'étais un peu plus jeune. Il est vrai que de nos jours, les relations entre Valm et Chon'sin se sont grandement améliorer - même si ce n'est pas encore tout rose -. Je hoche donc la tête pour dire que je comprends ce qu'il me dit. Au final, je ne suis pas non plus une ignorante à cent pour-cent - quand bien même que j'ai beaucoup à apprendre -. Par contre, je me demande quelque chose... En parlant de la sorte, on dirait presque que Taurok a vécu à cette époque. Pourtant, cela me paraît impossible n'est-ce pas ? La seule race que je connais et qui pourrait vivre aussi longtemps sont les Maneketes. Pourtant en le regardant, il n'a pas des traits de dragon non ?

Soupirant, je chasse cette idée de ma tête en m'enfonçant un peu plus dans l'eau chaude. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que je me prenne la tête avec mes réflexions pour aujourd'hui. De toute manière, j'arriverai bien à apprendre la vérité un jour sur ce qu'il est si je l'accompagne. Lorsqu'il parla de protéger ma réputation, je ne pue m'empêcher d'afficher un fier sourire sur mon visage tout en lui répondant d'une voix calme, mais presque impérieuse.

"J'ai juré fidélité à mon souverain, pas aux gens que nous pourront croiser en dehors de Chon'sin. Tant que je me sens ici chez moi, je me fiche bien de ce que pourront passer les autres. Même si pour eux, vous êtes la pire des espèces."

Oups, peut-être que j'avais un peu parlé brutalement. En même temps, je ne savais pas trop comment dire ce que je ressentais. J'espérais juste qu'il ne le prenne pas mal... Pour essayer d'arranger le tir, je repris d'une voix un peu plus douce.

"Désoler, je ne voulais pas avoir l'impression de vous engueuler. Toutefois, comprenait juste que, je vous avez posé cette question juste pour avoir des informations. Vous êtes une personne très intrigante et intéressante. Pour faire simple, vous ne faite pas peur, donc si je viens avec vous, ça sera de mon plein grès. Je ne vois pas pourquoi les autres auront leurs mots à dire. Dans ma tête, je suis et serais toujours une Chon'sienne, fière de sa nation."

Dis comme cela, j'avais presque une allure de quelqu'un de haut placé, alors que ce n'est pas le cas. Après, peut-être que je réussirai à monter en grade avec le temps. Qui sait ce qui peut arriver dans ce monde. Par exemple, je n'avais pas prévu de rencontrer un homme qui me proposerait de découvrir l'horizon. En fait, dans ma tête, j'avais juste prévu de continuer encore et encore mes entraînements afin de devenir le meilleur chevalier pégase de Chon'sin - et ainsi, devenir un atout majeur pour mon souverain -.

Au moins, on ne pouvait pas reprocher à la Chon'sienne de ne pas être dévouée à son pays. Ça, c'était un fait parfaitement visible et tout à fait respectable. Ce que remarquait Taurok par la même occasion, c'est que malgré son âge, elle savait faire preuve d'une certaine dignité, ce qui était un trait que beaucoup d'habitants de Chon'sin respectant les traditions possédaient. Ce qui rendait la chose beaucoup plus intéressante, c'était sa propension à être attirée par le monde extérieur et par les spécialités des autres cultures. Valm, Ylisse, Regna Ferox, Rosanne, Plegia... Tant de contrées si différentes et uniques en leurs genres. Il ne tenait, à vrai dire, qu'à elle de décider de le suivre un peu pour entamer un voyage personnel qui lui ferait découvrir un peu le monde qui l'entourait.

Elle avait visiblement l'impression de se faire trop dure, mais Taurok était habitué au franc-parler. Ce n'était pas spécialement quelqu'un qui privilégiait les détours futiles pour se faire mieux apprécier... Il allait droit au but, et si quelqu'un avait une opinion différente, il était libre de lui exposer sans flatteries.

« Ne vous inquiétez pas, vous n'avez pas besoin de formalités superflues avec moi... Je comprend parfaitement ce que vous dites. Si nous commencions un voyage, je proposerais que nous commencions par Rosanne. Ainsi nous pourrions remonter vers Valm et emprunter une embarcation vers Regna Ferox pour redescendre ensuite vers Ylisse, puis Plegia. Évidemment, nous prendrions le temps de visiter, que vous puissiez découvrir la culture locale... C'est important, si vous voulez apprendre quelque chose. »

Évidemment, il n'avait pas un ton impératif lorsqu'il lui parlait. Au contraire, il était très doux dans ses paroles, suggérant plutôt une façon de faire plus adaptée à ce qu'elle cherchait. Elle voulait, après tout, s'instruire et découvrir le monde, alors pourquoi ne pas l'aider dans cette démarche ? Les personnes les plus aptes à devenir sages étaient avant tout celles qui savaient faire la part belle entre la patience et la spontanéité. Ça, Taurok le savait bien... Même si lui, il avait été plus vif que patient, durant sa vie, jusque là, la faute à son sang de dragon. Mais aujourd'hui, maintenant qu'il avait pris le temps de méditer sur son sort et de voyager pour découvrir les autres façons de penser que dont le monde pouvait regorger, il se sentait prêt à aider les autres. À ne plus s'exiler du monde pour réfléchir, mais plutôt à s'y jeter à corps perdu pour aider ceux qui étaient habités par le doute et l'angoisse.

Mes mots qui me semblaient pourtant dures, n'avait pas l'air de le déranger plus que cela. D'un côté, cela me réconfortait, car si je devais le suivre, je n'aurais pas besoin de réfléchir avant de lui dire ce qui me trotte dans la tête. Quoique, cela ne me fera pas de mal que de choisir un peu mieux mon vocabulaire. J'écoute donc attentivement la réplique de l'homme en penchant spontanément la tête sur le côté. Ce n'est pas très étonnant que je réagisse de la sorte. En effet, bien qu'ayant déjà pris connaissance d'une carte représentant notre monde, j'ai un peu de mal à comprendre la route que me propose Taurok. Peut-être que cela veut dire qu'il faut vraiment que je parte à l'aventure comme on me le suggère depuis déjà plusieurs minutes.

Mon regard s'assombrit l'espace de quelques secondes - juste le temps pour moi que de penser à une chose -. J'avais presque oublié que ce n'est pas le souverain que je sers qui sera le plus concerné si je pars... Dans ma famille, mon frère est celui qui compte le plus pour moi. On a toujours plus ou moins traîné ensemble. Après, je me dis qu'il comprendra très certainement ma décision si j'accepte. Soupirant bruyamment, je me mets à tortiller une de mes mèches autour d'un de mes doigts fins. Dans le pire des cas, je n'aurais qu'à lui poser la question et voir ce qu'il me dit. Hochant finalement la tête, je demande d'une voix légère vibrante.

"Le parcours que vous me proposez a l'air très alléchant. Toutefois, je ne comprends vraiment pas pourquoi vous seriez près à me faire voir tout ça."

Mes yeux cherchent les siens, alors que je bouge dans l'eau chaude, à la recherche d'une meilleure position. Il est vrai, que je n'avais pas spécialement posée la question alors qu'elle me trottait dans la tête depuis le début de cette conversation.

"Je veux dire, même si je suis une ignorante, pourquoi proposer à une inconnue de faire le tour de monde pour que j'apprenne ?"

Est-ce que sa réponse sera définitive à ma décision ? Non très certainement pas. Toutefois, je souhaite vraiment que l'homme en face de moi me renseigne sur la raison de ses agissements - s'il en a une, bien entendu -.