- Bonjour…

Entrée assez nonchalante de ma part dans ce petit bar de quartier, saluant rapidement le patron avant d’aller m’asseoir sur un des sièges du bar. Je suis totalement lessivée, ça n’a pas été une partie de plaisir de semer cette bande de gardes vraiment bien entraînés. Surtout le chef du lot qui s’est montré très endurant et particulièrement perspicace lorsque je tentais de le feinter de temps à autres. Du coup, je retiens pour la prochaine fois d’éviter cette maison, surtout vu le maigre butin que sa visite m’a rapporté, à peine de quoi tenir une petite semaine. Il va falloir que je mette à jour ma liste d’informateurs, mes habituels sont trop peu performants ces derniers temps. Et j’ai vraiment besoin d’argent ces derniers temps pour retourner en Ylisse et mettre en marche ce projet qui me tiens à cœur.

- Qu’est-ce que je vous sers ?
- Peu importe, tant que ça fait le taff.
- Très bien.

Le barman repart sans en dire plus et commence à ouvrir plusieurs bouteilles avec une facilité assez impressionnante, les enchaînant à la suit sans montre le moindre effort. Rapidement, il en pose une devant moi avant de partir s’occuper des autres clients. « Bière au raisin valmienne », mouais, faut voir ce que ça va donner.

- Cul sec ?

Question qui ne demande pas vraiment de réflexion, juste posée comme ça, dans le vide. Je suis dans le genre d’humeur ou je vais forcément me la boire d’un coup, en espérant me soûler au moins un petit peu, même si c’est rarement concluant avant cinq ou six bouteilles.

- Hop !

Je la porte sans attendre à ma bouche et vide le tout dans ma gorge en un coup, avalant ensuite le tout très rapidement. Beuh, c’est dégueulasse, on dirait de la pisse de wyverne ! Je suis bien contente de l’avoir avalée aussi vite, je n’aurais jamais pu boire la bouteille entière sinon. Puis ça laisse un goût hyper amer au fond de la gorge, c’est vraiment désagréable.

- Serveur, un rhum.

Bon au final on va en revenir aux classiques et prendre les choses en main, ils ne connaissent visiblement pas leur produit ici. Tant pis, je vais juste en profiter pour m’amuser un peu. Je descends donc de ma chaise et m’approche d’un jeune homme assis au fond de la salle, seul. Plutôt beau, je ne vais pas cracher sur le fait de passer la soirée un minimum accompagné.

- Ça vous dérange si je me joins à vous ?

Tendant rapidement ma tête en guise de salutations, je lui adresse simultanément un petit sourire.

- Lana, enchantée !

Dans beaucoup de métiers, on a la tête de l’emploi ou on ne l’a pas. En ce qui concerne cet homme, c’est compliqué on va dire. Au niveau de la tête, je ne lui trouve pas l’allure d’un chevalier ou même d’un combattant, plus d’un brigand assez endurci. Ça ne m’étonnerait pas d’ailleurs qu’il se fasse contrôler assez fréquemment par des gardes lorsqu’il traîne en ville. Heureusement qu’il porte son armure sur lui, ça lui donne ce côté guerrier qui lui manquait sans lequel je n’aurais pas cru avoir affaire à un chevalier. ‘Fin par contre, ça lui donne clairement pas un air malin, il y a plus discret que se ramener dans un bar habillé en boîte de conserve. Puis bon, il doit crever de chaud là-dessous vu la chaleur qui règne en ce moment sur Plegia. Mais bon, j’ai beau dire ça, je dois ne pas sembler plus saine à me balader en short et bikini à la nuit tombée, avec tous les pervers qui rôdent à cette heure.

- Simplement partager quelques verres avec quelqu’un.

Je viens rapidement m’installer à ses côtés, n’hésitant à la jouer rentre-dedans en le collant un peu. Mais visiblement, ça n’a pas l’air de lui faire grand-chose, ne provoquant chez lui que de l’incompréhension. Ah oui, c’est vrai qu’il faut que je précise.

- Ne vous faîtes pas de fausses idées, j’ai vingt-quatre ans, même si c’est un peu dur à croire.

Je commence à en avoir sérieusement ma claque de passer pour une gamine pré-pubère partout où je passe. Ouais, je veux bien comprendre que ce n’est pas facile de s’apercevoir de mon véritable âge en se basant sur mon physique mais faîtes un effort quoi ! Je ne m’embête pas tous les matins à me maquiller dans l’espoir de paraître plus vieille qu’une adolescente de seize ans pour que l’on continue à se tromper. C’est du boulot vous savez ? Et le pire, c’est que si j’arrête en me disant que c’est inutile, se sera encore pire. La dernière fois que je l’ai fait, on m’a demandé si je n’avais pas perdue mes parents. Pas besoin de vous dire que celui qui a prononcé ces mots n’a pas fini la journée en très bon état.

- Et voici votre boisson.
- Merci bien.

Déposant sur la table le verre que vient de me remettre le serveur, je jette un coup d’œil à la boisson d’Aurelion. Je suis assez étonné d’en voir son contenu, du lait espérons-le frais. Je l’imaginais plus se descendre quelques chopes de bière que siroter ça. J’ai beau être la première à dire qu’il ne faut pas juger aux apparences, je trouve ça plutôt amusant l’impression de douceur qu’il donne par rapport à son physique un peu plus dur.

- Vous ne buvez pas d’alcool ?

- Tu ne veux pas te déstresser un peu ? Regarde-toi, tu vas finir par chopper des rides à force de froncer les sourcils.

Clairement, si le chevalier ne reflète pas forcément son métier par son physique, son caractère et ses manies, eux, rendent son histoire bien plus crédible. Cette façon d’être toujours sur ses gardes, prêt à dégainer sa lance à tout moment si je fais le moindre geste suspect, tout porte à croire qu’il est habitué à faire face au danger au quotidien. Enfin, ce n’est pas comme si je ne l’étais pas moi aussi, j’ai juste une manière plus tranquille d’aborder les évènements, tentant de prendre beaucoup de choses avec humour même quand la situation joue en ma défaveur. Il le faut bien en même temps quand l’on est une criminelle pour oublier les pêchés qu’on commet au quotidien. Même si je suis en général rarement du genre à m’attaquer à ceux que je pourrais mettre dans de sévères ennuis, il m’est arrivé de faire des choses que j’aurais préféré ne jamais avoir à réaliser.

- Pour répondre à ta question sinon, je suis là pour mener à bien un travail près d’ici, aux abords de la frontière Ylissienne. Je suis une mercenaire et je me plie aux missions que l’on m’assigne.

Un demi-mensonge donc à moitié pardonné. Je ne peux pas révéler au premier inconnu que je suis une voleuse qui s’apprête à dépouiller un noble de son arrivage d’armes, surtout face à un chevalier, ce serait risquer ma tête et gâcher ma soirée. D’ailleurs, mon verre attend sur la table, je ne vais pas le faire patienter plus longtemps. J’en engloutis donc tranquillement, gorgée par gorgée, un peu plus de la moitié avant de le reposer.

- Et vous, vous êtes ici pour quoi ? Vous avez un client à protéger ici ou vous attendez de trouver un nouveau travail ?

Malgré le fait qu’il ait dit être en service, il ne me semble pas l’avoir vu attentif à quelque chose d’autre que sa propre sécurité. Après peut-être qu’il attend seulement son client mais même là, ça me semble peu crédible au vu du fait qu’il a malgré tout l’air d’être parti pour rester ici un moment.