La jeune femme pensait avoir rêvé ce qu'elle avait aperçut la nuit dernière. Alors qu'elle rentrait dans sa demeure familiale après une semaine de garde exténuante, elle avait distingué une silhouette glisser au bas de l'arbre qui jouxtait son balcon. Mais en un clignement de l'oeil, l'apparition avait disparue. Sans plus y faire attention, Adaline avait monté les escalier menant à sa chambre avec l'envie de dormir des années. Elle défit ses habits de garde pour passer une chemise de nuit de satin rouge dont les manches longues avaient été prévues spécialement pour elle. Comme si quelqu'un allait se faufiler dans sa chambre en douce pour dévoiler ses secrets au grand jour. C'était ridicule... enfin en étant un hybride à Rosanne, la prudence est de mise. Soulevant les draps pour s'installer dans son lit, un objet rectangulaire atterrit au centre du matelas. Tout en baillant, Adaline le prit pour le mettre ailleurs avant de rester pétrifiée devant lui.

Il s'agissait d'un tableau. La jeune femme qui y était représentée était rayonnante. Elle portait une robe légère dans les tons bordeaux et beiges et des cheveux était retenus par une ruban de velours. Elle semblait si heureuse avec ses joues rosies et son immense sourire. Elle était gracieuse et agréable à regarder mais Adaline se contenta d'avoir le coeur serré. Cette jeune femme avait beau lui ressembler, la marquise était persuadée de ne jamais s'être montré de cette manière devant qui que ce soit. Elle se rappelait du jour où elle avait porté cette robe. C'était il y avait 2 ou 3 jours. Elle était allée faire des emplettes sur la place des lumières avec une autre noble d'un famille alliée. Ce genre de sortie était une mascarade obligatoire pour qui voulait conserver de bon liens avec les autres dirigeants du pays. Malgré son métier de garde, Adaline avait donc dû jouer les hypocrites pendant une après-midi entière avec cette écervelée. Elle était d'autant plus persuadée de ne pas avoir pu être si resplendissante en se souvenant de l'ennui qu'elle avait ressenti.

La jeune marquise se dirigea alors vers son armoire de chêne. Elle déposa la toile devant les précédentes. Ce n'était pas la première fois qu'elle recevait un cadeau de son admirateur et un sourire d'attendrissement perça sur ses lèvres. Elle se souvenait avoir été effrayé au départ. Elle avait été persuadé qu'il s'agissait d'une début de chantage visant à dévoiler sa nature. Puis les semaines passant, elle en avait reçu d'autres. C'était pourtant la première fois qu'elle se voyait peinte en robe. Habituellement, son admirateur la représentait avec son uniforme de garde. Adaline patrouillant dans toute la cité n'avait jamais pu définir l'endroit où ces toiles avait été peintes. En plus de cela, son visage reflétait des émotions trop différentes de ce qu'elle ressentait vraiment pour se rappeler où elle se trouvait à ce moment-là. Son admirateur faisait un travail remarquable, mais il ne semblait pas saisir réellement la personnalité de la jeune femme. Il faudrait qu'ils puissent un jour se rencontrer pour rétablir la vérité là-dessus.

Après avoir refermé la porte de son armoire, la jeune femme ouvrit les portes de son balcon et regarda par delà le mur de sa demeure. Elle n'avait peut-être pas imaginé cette silhouette descendant du chêne qui accolait son balcon. Elle blâma sa fatigue pour ne pas avoir été assez réactive pour l'intercepter. Mais ce n'était pas si grave. Demain était son jour de repos, et au moins elle avait un endroit où chercher. Le vent était de sortie ce soir et Adaline était frigorifiée. Rentrant dans sa chambre en refermant les portes fenêtre, elle emmitoufla dans ses draps et se perdit dans ses oreilles avant de sombrer presque automatiquement dans un sommeil profond. Elle ne se réveilla qu''une fois 9h passés et se prépara rapidement pour se rendre sur la place des lumières. S'habillant d'une robe jaune et ocre, elle releva ses cheveux en un simple chignon et prit un éventail avant de sortir de chez elle. Ses parents devaient très certainement se trouver dans le petit salon de leurs demeure à échanger les derniers ragots que l'un et l'autre avaient entendu et partager le petit déjeuner dans cette atmosphère ne l'enchantait guère.

La jeune marquise arriva à destination aux alentours de 10h. Elle se dirigea directement vers la boutique où elle s'était rendue quelques jours plus tôt mais ne trouva pas pas signe d'un quelconque peintre. Déçue, elle décida de se mélanger à la foule. Son éventail ne quittait pas son visage. Elle ne tenait pas à se faire remarquer avant qu'elle n'ait pu démasquer son admirateur. Elle profita de l'euphorie des commerces pour prendre quelques gourmandises. Ce n'est que lorsqu'elle fut rassasiée une demi-heure plus tard qu'il lui sembla apercevoir un chevalet se balader dans foule. L'ennui était pourtant qu'il ne semblait pas aller là où elle l'aurait voulu. Le peuple formait toutefois un mur en elle et sa cible. Elle se retrouvait incapable d'apercevoir ne serait-ce qu'une mèche de cheveux de ce peintre. Adaline dû alors faire preuve d'une souplesse impressionnante pour éviter les mouvements de foule. Elle remercia son poste de garde de lui avoir donné l'habitude de ce genre d'exercice, mais pesta contre sa robe qui ne lui permettait pas d'être libre de ses mouvements.

Plus elle se rapprochait, plus elle réussissait à distinguer le porteur du chevalet. Elle ne le voyait que de dos pour le moment et appréciait particulièrement le ton rosé de ses cheveux. Sa démarche était pourtant particulière. Son admirateur n'était pas aussi gracile dans son imagination. Atteignant finalement une distance agréable entre elle et lui, Adaline se figea et observa. Ce n'était pas un homme qu'elle avait pris en chasse mais une jeune femme. Elle était discrète et la marquise était persuadée qu'elle ne l'aurait pas remarqué si son but n'était pas de trouver un peintre dans les alentours. Mais ce ne pouvait pas être elle. Pourquoi une jeune femme prendrait-elle la peine d'en dessiner une autre? Cela n'avait pas de sens. Et puis, l'amour du détail renfermé dans ses toiles ne pouvait pas être réalisé par une personne ne possédant qu'un oeil, n'est-ce pas? Ce n'était pas qu'Adaline avait un soucis avec ce genre d'handicap, mais elle avait apprit dans ses cours de science qu'une personne borgne ne voyait pas la profondeur d'un paysage. Elle ne pouvait simplement pas avoir la même perspective qu'un être normalement constitué.

La jeune femme était curieuse de ce qu'elle voyait. Elle voulait à tout pris aller l'observer peindre pour vérifier si les dires de son précepteur était exact ou non. Tant pis pour son admirateur, Adaline avait trouver exactement ce qu'il lui fallait pour illuminer sa journée. Et puis il était certainement possible que les peintres de cette ville se connaissent entre eux. Il lui suffisait d'amener le sujet dans la conversation comme si de rien n'était pour avoir sa réponse. Tout ce qu'il fallait maintenant, c'était trouver le bon moment pour l'aborder et avant tout mieux valait qu'elle soit installée. Se retournant vers un étalage, elle commanda un thé pour patienter, en espérant que l'attente ne serait pas trop longue.