Elena est une personne qu’on pourrait qualifier de rêveuse, il n’est pas rare de la voir perdue dans ses pensées ou de vouloir tenter l’impossible. C’est le genre d’individu qui voit les choses en grand et aime faire les choses en grand. C’est aussi une idéaliste, cherchant à faire sa part dans le monde. Active et énergique depuis sa plus tendre enfance, Elena a généralement besoin de bouger pour bien se sentir et ne rechigne que très rarement sur un tâche physique. Toutefois, c’est aussi quelqu’un de particulièrement orgueilleux, cherchant constamment à prouver sa valeur et ayant du mal avec la critique. De plus, lorsque madame a une idée, c’est difficile de l’arrêter.

N’ayant pas eu beaucoup d’interactions qui ne consistaient pas à simplement être polie et montrer à quel point elle était bien élevée, Elena a découvert qu’elle n’était peut-être pas totalement au point lorsqu’il fallait discuter avec des gens qu’elle ne connait pas. Elle devient ainsi rapidement mal-à-l’aise avec les inconnus, ce qui peut parfois la faire passer pour une personne un peu froide et distante, mais elle fait son possible pour s’améliorer.

De plus, les derniers événements ayant laissé une marque encore un peu trop vive, Elena a tendance à s’éloigner de tout ce qui a lien avec le romantisme et les relations amoureuses. Bien qu’elle ait du mal à l’admettre et veuille définitivement changer ce trait de caractère, c’est aussi une pleurnicheuse.

Elena Callahan est née un peu plus de dix-huit années auparavant dans le domaine familial situé dans le royaume de Plegia comme cinquième et dernier enfant de la maisonnée pour cette génération. Étant entourée de quatre frère, la cadette se retrouva mise à l’écart pour une bonne partie de son enfance, sa mère préférant que l’unique jeune fille de la famille ne soit pas trop influencée par les comportements masculins en grandissant. Son éducation fut assez stricte, on attendait d’excellents résultats de sa part pour bien des sujets. Si Elena se montra satisfaisante pour ce qui était des connaissances diverses, des bonnes manières et des arts (elle a toujours du mal avec la danse par contre), tenter de lui apprendre la magie (encore une fois la décision de sa mère, elle-même mage) fut un cuisant échec. La jeune fille ne montrait aucun talent et que peu d’intérêt pour cet incroyable sujet. Ce fut grâce aux deux frères ainés, conscients de la situation, qu’Elena put trouver son intérêt pour l’épée. Si elle n’eut droit qu’à des entraînements de seconde main, les garçons Callahans se relayer pour lui montrer de temps à autres ce qu’on leur avait enseigné, les parents finirent par accepter de l’aider à poursuivre cette voie.

En général, la demoiselle était assez libre lorsque les cours étaient terminés. Des heures durant elle explorait les moindres recoins du domaine, jouait aux chevaliers avec ses frères, allait lire un peu dans la bibliothèque… le seul problème était qu’il lui était formellement interdit de quitter le domaine sauf pour des visites officielles en compagnie de la famille. De ce fait, elle n’eut pas réellement d’ami pendant longtemps. Bien évidemment, il y avait toujours les autres enfants des familles importantes rencontrées, mais ce n’était pas comme s’ils avaient réellement le temps de se connaître. Une exception était le fils ainé (un peu plus vieux qu’Elena elle-même) d’un grand ami du père d’Elena, ils se voyaient assez souvent mais elle ne l’aimait pas particulièrement. Probablement parce qu’il avait tendance à s’offusquer de son « mauvais comportement », après tout une jeune fille bien élevée ne perdait pas son temps avec des gamineries comme elle le faisait, ou ne rentrait du jardin avec des jupons et les mains tâchés de terre après une chasse au trésor avec un frangin (qui faisait des chasses au trésor de toute façon, c’était d’un puéril !) ou se battait avec une épée en bois, sans parler qu’elle ne tenait pas sa fourchette parfaitement et gnagnagna…

Bref, il n’était aucunement amusant. Puis il était probablement jaloux parce qu’elle tenait une épée mieux que lui, pff ! Au final, ils continuèrent de se fréquenter, mais c’était bien souvent avec un soupir intérieur que la blonde… c’était à se demander pourquoi son père ne comprenait pas et plaisantait souvent en insinuant qu’ils étaient définitivement faits l’un pour l’autre.

Puis, à l’aube de ses treize ans, elle rencontra Anton.

Anton avait quatorze ans. Il était maigre, incroyablement timide, un peu bégayant par moment, travailleur comme pas deux et gentil comme tout. Le jardinier principal du domaine commençait à se faire vieillissant et voulait transmettre à quelqu’un  ses connaissances pour passer le flambeau lorsque le moment serait venu. Il paraîtrait qu’Anton ait été de la famille éloignée, ce qui en faisait un bon candidat. De fait, il intégra le domaine en tant qu’apprenti… et en tant que « seule autre personne de mon âge » pour une certaine blonde en manque d’ami, même son plus jeune frère étant sensiblement plus âgé.

Les premières approches furent assez infructueuses, Anton ne semblait déjà pas particulièrement réceptif aux autres, alors parler à la fille de ses patrons ? Probablement que ça ne le ferait pas. Pourtant, les choses avancèrent progressivement. Elena se mit à le questionner de temps à autre sur son travail quand ils se croisaient par hasard, simplement dans le but de lancer la conversation. Puisqu’il s’agissait d’un sujet qu’il connaissait tout particulièrement, Anton paraissait un peu plus disposé à parler (et ce serait mal vu de ne pas répondre). Rapidement, les réponses brèves devinrent des explications de plus en plus détaillées et Elena se mit à y être de plus en plus intéressée. Peut-être que la passion du jeune jardinier était contagieuse, qui sait.

Dans tous les cas, cela lui permit d’être de devenir progressivement à l’aise avec la blonde et plusieurs de ses moments de répits se mirent à se passer en sa compagnie. Ils discutaient, rigolaient, inventaient des histoires, Anton parlait de ce qui se passait en ville quand il y revenait, Elena lisait à voix haute des livres pour qu’il puisse aussi en profiter. À sa demande, Elena lui enseigna aussi comme elle le pouvoir à lire et des bases en mathématiques. Elle eut même l’impression que cela lui donnait plus confiance en lui, ce qui était une bonne chose.

Leur amitié se fit rapidement connaître, mais personne n’omit de réelle objection à ce sujet. Ce que certains étaient loin d’imaginer, c’était que les deux jeunes gens, à force de se côtoyer, développaient quelque chose d’un peu plus… fort que l’amitié si l’on peut s’exprimer ainsi.

Difficile de savoir qui commença à ressentir ce genre de sentiment pour qui, mais ce n’était nullement important.  Les deux tourtereaux passaient dorénavant autant de temps que possible l’un avec l’autre, parfois à l’insu de tous. Ils étaient heureux ensemble et ne voulaient plus être séparés.

Ce bonheur de jeunesse connut malheureusement un obstacle de taille. Cela commença doucement, avec quelques commentaires et sous-entendu… puis les parents d’Elena eurent une discussion avec leur fille unique. D’après leurs dires, il serait plus que temps que leur protégée envisage le fait de fonder sa propre famille à son tour, comme tous ses frères avaient fini par le faire. Et, bien entendu, le cher jeune homme qu’elle ne pouvait supporter dans sa jeunesse (et à peine plus une fois adulte dans les faits) ne serait-il pas un excellent candidat ? Bien sûr, ce n’était pas imposé, mais il fallait tout de même trouver quelqu’un d’acceptable pour une jeune femme de son rang…

À partir de ce moment, Elena eut peur. Elle savait que marier Anton était à peine envisageable, pourtant c’était ce qu’elle désirait. Elle avait atteint ses dix-sept ans, elle était une adulte depuis longtemps déjà, ce ne pouvait plus passer pour un simple amour éphémère de jeunesse.  Anton eut la même conclusion lorsqu’elle lui annonça la nouvelle. Ils désiraient plus que tout passer leurs jours ensemble, quitte à ce que ce soit dans le secret, mais Elena refusait de marier un homme qu’elle n’aimait pas de cette façon, encore moins pour le tromper par la suite. Cherchant une solution, elle fit de son mieux pour repousser l’échéance de ses parents qui la pressaient de faire son choix.

Anton trouva une solution de son côté. C’est du moins ce qu’il assura à son aimée. S’il lui fallait un homme digne d’elle, alors il suffisait ce genre d’homme aux yeux des autres comme aux siens. Les yeux plus brillants que jamais, il décida de partir pour quelques jours, promettant à la Callahan qu’ils pourraient enfin se marier lorsqu’il reviendrait. Nerveuse et ne sachant pas à quoi s’attendre, Elena se résolut à lui faire confiance et à attendre. Le domaine lui parut bien vide sans lui…

Les « quelques jours » passèrent sans nouvelle. Puis, ce devient une semaine. Puis quelques semaines. Elena devenait de plus en plus anxieuse. Il ne pouvait pas l’avoir abandonné, c’est-ce que pas ? Quelque chose lui était-il arrivé ? Elle n’avait aucun moyen de le contacter, et sa peur augmentait chaque jour.

Ce fut à peine moins d’un mois plus tard qu’on vient lui apprendre son décès.

Au début, Elena refusa de le croire. C’était impossible après tout. Il lui avait promis de revenir pour qu’ils se marient, il ne pouvait pas… il ne pouvait pas…

Il s’avérait qu’une bête sauvage terrorisait les terres aux alentours depuis un moment déjà et que les soldats présents étaient jusqu’à ce jour incapable de l’arrêter. Anton avait pris la décision de s’occuper de la créature lui-même (alors qu’il n’était en rien un combattant ou même un chasseur) et de l’occire pour devenir un héros et ainsi mériter la main de sa belle. Malheureusement lui, même s’il eut l’incroyable « chance » de tomber sur ce qu’il cherchait, aucun miracle ne se produit pour lui permettre réaliser ses plans. La suite était évidente.

La nouvelle eut l’effet d’un coup de hache en pleine figure, Elena s’effondra. Sur le coup incapable de faire face à la réalité, elle s’enferma dans sa chambre pendant des jours pour pleurer, refusant catégoriquement de sortir sauf pour rendre un dernier hommage à celui qu’elle avait aimé. Tout le monde étant partiellement conscient  de l’affection que portait la demoiselle pour le jardinier, une sépulture fut faite à ce dernier dans le jardin du domaine. On salua son courage en omettant volontairement de noter sa stupidité. Cela ne changea en rien son état.

Alors qu’on commençait sérieusement à craindre pour l’état mental de la jeune Callahan dans l’entourage, celle-ci finit par sortir. Pâle, l’air épuisée et amaigrie, Elena reprit du jour au lendemain un rythme quotidien à peu près normal. Elle se remit à manger trois repas par jour, s’entraîna, passa un moment seul dans le jardin, alla flâner à la bibliothèque… seul détail, elle ne parla qu’à peine pendant cinq jours, lorsqu’elle reçut la visite de deux de ses frères. Ses parents, toujours désarçonnés, jugèrent bon de lui laisser encore un peu de temps pour s’en remettre. Ce n’était pas facile après tout.

Ce fut à la fin d’un repas, pendant un silence qui était devenu la routine, qu’elle annonça qu’elle désirait partir.

Partir où ? Va savoir. Elle n’avait jamais pu quitter le domaine par elle-même auparavant, elle voulait se changer les idées, voir du pays, rencontrer de nouvelles personnes, être utile… juste partir un moment. Les paroles inquiètes de sa famille ne suffirent pas à lui faire changer les idées.

Il y eut néanmoins une… « condition »…

Elena se souvient parfaitement de l’irritation qu’elle ressentit lorsqu’on lui annonça avoir trouvé quelqu’un pour la protéger durant son petit voyage. On la prenait encore comme une petite fille, exactement ce qu’elle avait décidé de ne plus lorsqu’elle avait enfin quitté sa chambre. Sauf que ce n’était visiblement pas négociable si elle voulait partir sans trop de problème. De ce fait, elle se retrouva à accepter de contre-cœur la présence d’un mercenaire qu’elle n’avait même pas choisi.

Regardons les choses du bon côté, ça lui ferait toujours un guide au besoin.

La voilà donc sur les routes, faisant de son mieux pour laisser le passé derrière et regarder de l’avant, avec un certain chevalier qui la suivait comme son ombre, et sans but précis.

Ça allait définitivement être TOUTE une aventure…