Tout au long de leur formation – même si peu l'avoueront – les membres du clergé se demandent s’ils ont bien fait de suivre cette voie. Celle qui vous tire vers la lumière, mais vous prive en contrepartie des délicieux plaisirs égoïstes de la vie. Quoi de plus humain après tout. Médéa elle, ne s’est jamais posé la question. Ayant grandi et vécu au temple, sa croyance est totale et aveugle. Naga est une bienfaitrice. Elle est sa mère, son père, sa sœur, sa meilleure amie et sa plus féale confidente. Tout ce qu'elle a.

A tel point que son fanatisme atteint bien souvent des niveaux d’exubérance insoupçonnés ! Parfois absurdes. Si prier Naga au beau milieu d'une guerre, au risque de finir transpercée par une lance pouvait sauver la situation : elle le ferait sans hésiter une seconde. Et, croyez-le ou non - et ce malgré la douceur et le flegme à toute épreuve du personnage - s’il y a bien une chose qui pourra lui faire littéralement péter les plombs, c’est « l'hermétisme » . Les autres croyances, les ombres, bandits et autre malfrats du genre, Grima ? Hérésie ! Au bûcher et sans autre forme de procès !

Au quotidien, Médéa dégage en effet une calme mais bien étrange atmosphère, comme si elle vivait dans son propre monde; un monde de rêveries totalement déconnecté de la réalité. N'écoutant que d'une oreille et fixant l'horizon d'un air serein et détaché, la discussion pourrait avoir un petit côté unilatéral gênant ( voir … humiliant pour les plus fiers ? ). Mais malgré les apparences : elle écoutera, retiendra, comprendra.  Elle est - « hérésie » à part - d'une impartialité et d'une empathie sans bornes.

Passionnée de mythes, de contes et de récits de voyages qui la conforte dans ses délires. C'est aussi une de ces désespérantes idéalistes au cœur tendre, parfois naïve mais extrêmement fantaisiste dans son genre. Elle a d'ailleurs une conception bien à elle de ce qu'est un comportement social approprié et pourra paraître bizarre voir maladroite dans ses rapports avec les autres. Convenance et respect des rangs sociaux compris.

Tantôt mâture lorsqu'il s'agit de défendre les idéaux chers à son cœur, la foi lui donne des ailes : rend sa parole fluide, claire et pénétrante. Cette jeune prêtresse est également une grande enfant qui apprécie les tâches routinières et les choses légères de la vie, s'amusant volontiers avec les autres morveux de l'orphelinat qu'elle câline, cajole comme une petite maman.  Médéa n'est de toute évidence pas prête à faire face à la dure réalité des choses. Et comme elle est loin d'être bête, c'est à se demander si elle ne fait pas la sourde oreille ...
 

Médéa est une orpheline. Et vous voyez le drama arriver à trois kilomètres, hein ? Et bien non. Médéa a certes grandit sans ses parents, mais elle n’en a pas moins été heureuse. Car pour s’y substituer, Naga lui avait offert toute une tripotée de frères et sœurs de tous âges à jamais chers à son cœur. Elle ne s’est jamais sentie seule et pouvait également compter sur sa solide foi envers Naga pour combler ce que l’on pourrait appeler un vide.

Car très jeunes, les enfants de l’orphelinat apprennent à prier Naga pour sa bienveillance. Médéa plus que quiconque s’avère être une apprentie exemplaire et quitte même volontiers les jardins de l’orphelinat pour aller observer celui qu’elle considérera à jamais comme son mentor,  Aries. Un vieux monsieur déjà, dont la parole était réputée d’or. Une éloquence qui séduisait la population autant que l’Exalt d’ailleurs, puisqu’il serait devenu son soigneur attitré. Puis dit-on, un ami et conseillé de choix.

Aries n’a jamais tenté de chasser Médéa du temple. Qu’une si jeune enfant s’intéresse à Naga n’était pas un mystère. Et encore moins un hasard. Le vieil homme – dans son infime sagesse – se doutait bien que sa jeune fugueuse avait la tête farcie de rêves. Mais les enfants apprennent et mûrissent si vite … alors, il allait tous les après-midi s’asseoir sur ce banc dans un parc aux abords du temple et Médéa prenait place à côté de lui, balançant ses jambes et posant mille et une questions sur les dieux.

Ce vieillard - qui avait voué sa vie à la prière - trouva sans grande surprise la fille qu’il aurait rêvé d’avoir en Médéa. Partagea des notions de magie curative et eu en cette petite prêtresse en herbe une élève persévérante et talentueuse. Une enfant à ses yeux d’une douceur mais aussi, d’une naïveté et d’une fragilité telle qu’il voulut la protéger des affres de la vie.

Puis les années passèrent et les rencontres entre le maître et l’élève se firent plus éparses. Aries était devenu vieux mais n’avait pas oublié sa jeune apprentie pour autant. Et puisqu’il serait incapable de lui dispenser les enseignements nécessaires pour parfaire sa formation, il insista pour qu'elle rejoigne Thémis. Bien qu’à contre cœur, Médéa quitta Aries. Quitta ses amis de l’orphelinat. Quitta Naga. Quitta le temple ; avec ses étoffes blanches aux franges dorées qui dansaient sous le vent et faisait s’y refléter le soleil, donnant l’impression, de loin, qu’il brillait comme un millier d’étoiles dans le ciel bleu. Ses immenses colonnes de marbre immaculées qui touchaient les nuages, perçaient le ciel. Un milieu totalement froid et aseptisé aux yeux de certains mais qui faisait figure de foyer et lui manqua, tout le temps de sa formation à Thémis.

Formation qui n’atteignit pas totalement son terme, d’ailleurs. Puisque Médéa reçu un jour une lettre des prêtres qui la pressait de remonter à la capitale. Aries était mort et l’on célébra son ascension vers les cieux avec une modestie qui - aux yeux de Médéa - ne valait pas une si grande âme. Aries avait été un grand homme ; un modèle de sagesse et de vertus. Mais un grand homme pur et naïf, en un sens. Elle ne le réalisa que lorsqu’elle lu la lettre manuscrite qu’il lui avait destiné avant de mourir; lui demandant de prendre sa suite.

Peut-être Aries avait-il placé trop de bons espoirs en Médéa. Peut-être que l’affection avait donné des illusions au vieil homme; qui vit en Médéa des capacités que l’on pourrait déceler chez n’importe gosse. Mais elle n'allait pas tourner le dos au vieil homme et fera au moins de son mieux pour parfaire ses connaissances en magie, prêcher la bonne parole et honorer Naga. Puis qui sait, un jour rejoindre les veilleurs si on l'en juge assez digne.