Le Saint-Royaume pansait doucement mais sûrement ses séquelles suite à cette mystérieuse attaque contre la capitale dans le seul but d'assassiner le régent. Certes, l'armée valmienne était intervenue à temps pour limiter les dégâts mais le Prince d'Ylisse n'avait au départ pas approuvé cette...Soudaine collaboration entre Valm et sa contrée car à ses yeux, l'Empire était pour lui une sorte de dictature dissimulée qui cherchait à s'octroyer la place de leader du monde. Mais le pire dans cette histoire, c'était que son père ait en plus demandé à Taurok de l’entraîner. De remettre en somme son fils, l'héritier du trône, à l'homme qu'il ne portait pas dans son cœur depuis l'assassinat de son beau-père. Ayden voyait cela comme un moyen de mieux amadouer l'Exalt et ça, il avait du mal à l'accepter; C'était juste absurde ! Une discorde éclata même entre les deux hommes. Le roi pensait dans un élan de sagesse aux effets bénéfiques que cela pourrait procurer à son peuple alors que son fils, lui, refusait qu'Ylisse perde encore une fois de son prestige d'antan en s'abaissant ainsi, juste pour le prétexter que cela puisse finir à faire éclater une guerre.

Il fallut une bonne semaine pour que le lord finisse par se laisser convaincre à contre cœur de faire de l'Empereur son mentor, jusqu'à ce qu'il soit d'après ce dernier suffisamment prêt pour être un vrai leader respectable. D'un autre côté, c'était aussi l'occasion parfaite de toucher à d'autres d'autres rudiments du combat car à part le maniement de la lame et quelques bases en celle de la hache, Ayden ne connaissait rien d'autre.

Durant leur périple jusqu'à Valm, Taurok avait d'abord choisi de les mener vers Regna Ferox, seuls, sans personne d'autre avec eux pour une raison inconnue. Sur le chemin, l'héritier resta le plus silencieux possible : il n'avait pas envie de converser et le blond ne semblait pas non plus être particulièrement un expert en la matière. En tout cas, ce n'était pas pour saluer ses amis de Ferox que les deux hommes se trouvaient là-bas mais bien pour participer à quelque chose de totalement...Inédit. Un combat paraissant non-équitable avec un Taurok se battant à mains nues contre dix autres adversaires armés jusqu'aux dents. Et malgré cela, aucun n'avait réussi à le mettre à terre; l'héritier était sorti avec un bel hématome à la mâchoire rejoignant ainsi la liste de blessures de la dernière bataille qui n'avaient pas totalement cicatrisées. Peu importe, Ayden n'avait pas le temps de souffler que déjà, il devait se rendre seul sans l'Empereur à Steiger pour seule excuse "Qu'une affaire urgente à régler ne pouvait pas attendre". Peut-être voulait-il ménager son disciple en le laissant ici, mais en tout cas, il restait quatre jours au prince pour atteindre Steiger et le retrouver dans sa forteresse impériale. Alors il en profita pour rendre une rapide visite à ses anciens compagnons feroxiens avant de prendre le bateau en direction du continent Valmien.

Il arriva à destination sans encombre, juste fatigué du long voyage. Toutefois contrairement à Chon'sin, Rosanne ou même Ylisse qui le requinquaient par leur ambiance gaie et chaleureuse, le fils de l'Exalt se retrouvait d'avantage déprimé par cette atmosphère trop austère à son goût. Tout était carré, droit, les soldats paraissaient trop de marbre; en tant qu'invité de marque, on l'escorta même jusqu'à leur "Grand Seigneur" bien qu'Ayden n'en ressentît pas la nécessitée bien qu'il fît avec. Guidé jusqu'à l'entrée de la bâtisse imposante où résidait sûrement Taurok, un garde partit le chercher. Quelques minutes plus tard, le voilà qui arrivait fièrement armés de ses fameuses épées.

Celui qu'on surnommait "La Mort Rouge".

"La Mort Rouge"... Cet ancien surnom n'était aujourd'hui plus tant d'actualité. On le qualifiait plus de Grand Empereur, en raison de son stat de dirigeant suprême de l'Empire de Valm. Et pourtant, son apprenti devait probablement avoir retenu ce premier surnom plus aisément que le nouveau. Un premier détour fut engagé à Regna Ferox, où il avait voulu jauger des capacités du jeune prince Ylissien durant le grand chelem. Surpris par ce dernier, il avait reçu une blessure certes négligeable, mais une blessure tout de même. Mais cette fois-ci, il avait une idée précise de ce qu'il devait faire pour entraîner son nouvel apprenti. Il était doué, mais il manquait cruellement de discipline et de lucidité, et c'était un manque cruel pour un meneur.

Malheureusement, il avait du le laisser quelques jours alors qu'une affaire pressante le retenait ailleurs. Il devait gérer les affaires internes de Valm ainsi que se rendre en Garenn pour discuter diplomatie. Quatre jours plus tard, il était enfin de retour au sein du Grand Empire pour accueillir Ayden, paré de ses deux épées et de sa hache. Il avait tout de même fière allure, se tenant droit et arborant son manteau de guerre aux couleurs de Valm, marchant dignement jusqu'au prince Ylissien. Il n'était pas surprenant qu'il fasse un certain effet à son peuple et aux autres dirigeants lorsqu'il en imposant autant...

Finalement, il arriva à son niveau, son regard toujours aussi sérieux et visiblement remis plus ou moins bien des blessures qu'il avait reçu durant le grand chelem. Puis alors il prit la parole.

« Bienvenue au palais impérial de Valm... C'est ici que je te formerais. L'Exalt en personne a estimé que tu avais besoin qu'on t'enseigne de quoi être un bon meneur, et je pense qu'il est dans le vrai... »

L'accompagnant et lui faisant rapidement visiter les lieux les plus importants du palais - y compris les chambres - il lui parla des conditions de sa situation actuelle

« Si tu désires faire venir des amis à Valm durant ton entraînement, ils pourront résider dans le palais impérial... Il y a des chambres d'amis prévues à cet effet. Tu n'as qu'à signaler leur présence aux gardes impériaux, histoire qu'ils soient mis au courant des personnes qui ont leur place ici. »

Enfin il arriva sur le terrain d'entrainement d'élite, au sein du palais. C'était une grande aire possédant des pistes de course, une petite cascade silencieuse, des racks remplis d'armes d'entraînement, des cibles de paille et de bois, une cantine... En outre, tout ce qu'il fallait pour qu'un soldat devienne une véritable machine à tuer en quelques mois. Quelques soldats s'entraînaient, parfaitement organisés et acharnés dans leur travail. Avec des protocoles aussi stricts et des recrues aussi motivées, pas étonnant que l'armée de Valm faisait trembler ses adversaires de terreur par sa simple mention... De connaître leur réputation était une chose, mais de les voir s'entraîner, c'en était une autre.

Taurok se dirigea avec lui jusqu'à la petite cascade, avant de retirer son manteau de guerre, finissant torse nu. On pouvait voir son tatouage, et l'oeil discret d'une personne cultivée aurait reconnu la marque de Grima en son centre. S'asseyant en tailleur et fermant les yeux, l'Empereur fit signe à Ayden de faire de même

« Pour cette première journée, pas de combat, pas de politique, pas d'agitation... Aujourd'hui, tu vas commencer à maîtriser ton tempérament. Assied toi, laisse le vent rafraîchir ton visage, et médite. Médite sur tout ce qui a pu t'énerver, et sur les raisons qui ont fait que ton état a pu en être ainsi. Mais surtout, médite sur les causes des événements qui t'ont mis en colère, et remonte à la source... Réfléchis aux conséquences des actes qui ont pu te mettre hors de toi. Tu dois être capable de savoir pourquoi une chose arrive, et qui en est le véritable responsable. Mais surtout, même si la situation est injuste... Tu dois garder ton calme le plus absolu.

La colère mène l'esprit dans ses pires recoins. Elle obscurcis les sens, et elle fait commettre à ses victimes les pires erreurs de jugement. Elle peut entraîner la perte de tout ce qu'on peut posséder dans la vie, mais parfois offrir une seconde chance. Ce n'est qu'avec un esprit clair et libéré de toute réaction compulsive qu'on peut se prétendre digne de diriger son royaume... »

Ses paroles étaient calmes, sans aucun énervement, fluides... C'en était presque déconcertant de se dire que cet homme si sage et digne eut été autrefois un meurtrier sanguinaire et froid.

Il avait beau sentir une certaine forme de réticence, son nouvel apprenti faisait au moins l'effort de suivre ses directives et ses conseils. Après tout, l'Empereur n'avait actuellement comme seule envie que de permettre à Ylisse d'avoir à sa tête un meneur fort, aussi bien mentalement que physiquement. Le temps des conflits n'avait que trop duré, et il était temps d'y mettre un terme, qu'il le veuille ou non. Bien sûr, le fait de voir l'héritier d'un des commanditaires du meurtre de ses compagnons, de sa famille et qui représentait une des raisons pour lesquelles ses filles lui en voulaient désormais, ça l'énervait un peu. Mais si la paix et l'unification des peuples demandaient seulement l'effort de passer outre ses émotions, il le ferait.

Le temps avait transformé l'impétuosité et l'insolence de Taurok en un respect profond et une froideur qui pouvait être bénéfique au dirigeant d'une nation aussi grande et prestigieuse. Car avec tout grand pouvoir venait une responsabilité colossale. On oubliait parfois que la gouvernance d'un pays aussi puissant que celui de Valm venait avec son lot de problèmes... Heureusement pour lui, le peuple était dévoué à ses dirigeants et au système, ce qui rendait la prospérité de Valm beaucoup plus propice.

Après une longue séance de méditation, Taurok enfila de nouveau son manteau de guerre. Finalement, il mit une petite tape légère sur l'épaule du prince Ylissien, avant de s'écarter de la source et de prendre la parole.

« La méditation est terminée... Tu devras au moins passer une heure à méditer tous les jours. Un dirigeant qui n'a pas la tête froide, qu'il soit empereur, roi ou exalt, n'est bon qu'à prendre des décisions à la légère. Tu l'as vu à Regna Ferox, lorsque j'ai perdu mon sang froid... J'ai failli commettre une grave erreur, et toi aussi. Ne perd jamais ça de vue. »

Taurok prépara son matériel, puis il rentra dans le palais impérial avec Ayden. Son entraînement serait long et probablement tortueux... Mais au moins, il s'assurerait qu'il en ressorte grandi. Le reste de la journée fut consacrée à des cours de stratégie et d'économie. Finalement il se retrouva seul à seul avec lui, assit à la table du dîner. Après un petit silence, il se permit d'engager la conversation, ayant remarqué ses regards parfois surpris durant la journée, tout particulièrement jute avant la méditation...

« J'ai remarqué que tu avais l'air perplexe, aujourd'hui... Surtout juste avant de commencer la méditation. Il y a quelque chose dont tu voudrais me parler ? Je sais que j'ai l'air froid et inaccessible, mais je suis prêt à tout entendre. »

En effet, il était prêt à tout entendre. À vrai dire, il craignait légèrement qu'il aie pu voir la marque de Grima présente sur son corps... Mais après tout, ça serait une bonne occasion pour le sensibiliser aux dangers liés à l'énergie du Dragon Déchu... Après tout, qui d'autre que lui pouvait posséder une place aussi privilégiée pour ce qui était de subir, comprendre et contrer les effets néfastes de la corruption du Dragon Déchu ? Il était une engeance dont le sang était partiellement corrompu. Et comme tous ceux partageant le sang du Dragon Déchu, ses instincts n'étaient pas ceux d'un homme normal. Ils étaient ceux d'un destructeur, d'un dominateur... Et c'était un combat quotidien non pas pour sauver sa peau, mais celle des autres...

Au final, Taurok n'était pas si horrible qu'on pouvait l'imaginer. Certes, ses enseignements passaient par une certaine fermeté et il pouvait parfois paraître dur, mais jamais injuste, ce qui était assez impressionnant et louable pour être noté. En revanche, le mystère de sa marque restait intact...

L'Empereur mit fin à son exercice d'une petite tape dans le dos pour sortir son élève de sa transe. C'était une première pour le jeune lord qui n'avait jamais expérimenté une telle pratique. Et pour une fois depuis longtemps, il se sentait...Bien. Aucune pensées négatives sous toutes ses formes. La colère, la tristesse, le regret. Rien. Juste un vide, mais n'effaça en rien sa curiosité envers son maître. Même avec ses longues mèches mouillées lui obstruant partiellement la vue - dont ce dernier s'était toujours demandé d’où cette couleur si particulière pouvait provenir durant son enfance - Ayden était à présent persuadé de ce qu'il avait vu dans son dos.

Il se retira calmement de sous la cascade trempé jusqu'aux os et s’avança vers Taurok, une mine sérieuse sur le visage.

- « Je ne peux vous contredire, j'ai moi même en tête l'exemple de l'Exalt Emmeryn. Mais j'ai été façonné en grande partie comme un feroxien et non comme un Prince ylissien. Alors autant vous dire qu'il y aura beaucoup de chemin à faire autant pour vous que pour moi. »

Ayden s'écarta ensuite pour se sécher les cheveux en secouant la tête avant d'enfiler le reste de ses vêtements dont sa pièce d'armure favorite qui demandait plus d'ajustement, n'étant placée que par une seule main.

Ces paroles n'étaient pas portées par la rancune, ni la haine. Non. On pouvait aisément prendre cela pour de la méfiance certes, toutefois, c'était une manière pour Ayden de dire qu'il était prêt à le suivre par honneur pour sa famille et surtout pour son père qui plaçait de grands espoirs sur son fils en qui brûlait vigoureusement la volonté de leurs ancêtres.

Ce qui s'en suivit dans la journée fût beaucoup moins plaisant : suivre un enseignement de stratégie militaire pouvait encore aller puisque cela impliquait la gestion de ses troupes avant de prendre part au combat et que, malgré son jeune âge, le lord avait des connaissances assez solides sur les forces et faiblesses des armes. Néanmoins, étudier l'économie était toujours une autre paire de manches. Enfin, c'était toujours mieux que les mondanités sur la façon de se tenir, de converser, qui lui donnait juste l'impression qu'on le prenait de base pour une bête sauvage qu'on modelait en quelqu'un de superficiel. Mais Ayden écoutait attentivement et apprenait, jusqu'à la fin de ses leçon et le début du repas. Les deux hommes se retrouvèrent seuls à table dans cette pièce qu'il trouvait austère, face à face. Un silence pesant régnait, avec le prince qui n'avait pas l'air de manger avec appétit ou plutôt, semblait cogiter dans son coin. A propos de cette fameuse marque qu'il a vue, son père...Et bien d'autre choses. Son absence ne laissa pas indifférent l'Empereur qui se permit de briser pour le questionner. L'ylissien leva alors la tête vers son interlocuteur et soupira lourdement.

- « En effet vous avez vu juste. C'est...Au sujet de ce que vous avez dans le dos. Vous êtes un descendant de la Lignée Maudite n'est-ce pas ? Je croyais qu'elle avait été éteinte lors de la dernière Grande bataille contre Grima ? On raconte même que ce n'est pas mon ancêtre qui est à l'origine de sa mort mais du noble sacrifice fait par son Maitre Tacticien qui était le vaisseau du Déchu. »

Si Taurok était un descendant de Robin, cela serait une preuve suffisante pour lui que le destin n'avait pas croisé leurs chemins par hasard. L'histoire se répéterait en quelque sorte : un fils de Naga et un de Grima, main dans la main pour affronter une terrible menace car l'attaque précédente sur Ylisse par une force inconnue ne présageait rien de bon; Mais ce n'était pas la seule chose qui lui turlupinait l'esprit : il avait encore du mal à croire que l'homme en face de lui ai pu mettre aussi facilement sa rancune de côté envers le Saint-Royaume. Ayden voulait savoir. Tout connaitre dans les moins détails pour espérer avoir enfin  les idées claires.

- «  Et pourquoi avoir accepté soudainement de faire une trêve et d'être le mentor du fils que vous considériez comme votre pire ennemi ? La première fois que nous nous sommes rencontrés, vous aviez l'air aveuglé par la colère tout autant que je l'étais à votre égard. Alors pourquoi, dites-moi ? »

Sa gorge commença à se nouer. Le lord posa ses couverts et ferma un instant les yeux pour rassembler ses esprits et ne pas être prit par ses émotions. Sinon sa séance de méditation n'aurait absolument servie à rien.

- «  La douleur que je ressens d'avoir perdu l'homme qui m'a élevé est toujours vive en moi, mais...Vous avez sauvé la vie de mon père. Alors pour cela je voulais vous remercier. Vous savez Taurok, vous n'êtes pas le seul à avoir perdu l'amour de votre vie et votre enfant à cause d'un tiers, et je pense qu'il est la personne la plus à même de vous comprendre malgré tout, plus que je ne pourrais jamais le faire. »

Après tout, Ayden avait encore énormément à apprendre de la vie contrairement à eux.
Le prince savait ce que cela faisait de perdre malheureusement des proches, mais n'ayant jamais expérimenté de relation amoureuse, il ne pouvait pas imaginer le terrible déchirement provoqué par la disparition de sa moitié. Il souhaiterait dans le fond ne jamais le vivre et pourtant, même si cela était dur à admettre, Ayden trouvait que les deux hommes dans leurs différences se ressemblaient plus qu'espéré.

Méditer l'avait quelque peu aidé à prendre du recule vis à vis de Taurok, à être plus enclin à l'écouter.

A faire un pas en avant.
A prendre finalement en considération que tout pouvait changer.
Les choses comme les Hommes.

Sa remarque avait été un peu douteuse, sur le coup, mais Taurok ne la releva pas. Oui, il aurait peut-être besoin de faire quelques efforts pour s'adapter au tempérament d'Ayden, mais à vrai dire, il en faisait déjà. Après tout, il avait pu supporter bien pire qu'un prince à l'éloquence légèrement déplacée par moments dans sa vie. Ainsi l'heure du repas vint, et il parla d'un sujet dont il redoutait l'évocation, mais qui devait tôt ou tard être mentionné.

Alors il avait vu... La marque dans son dos. Oui, c'était bel et bien le symbole de Grima, la marque prouvant que le sang du dragon déchu coulait dans ses veines, au moins en partie. Taurok était l'engeance d'un être redouté en son temps et encore aujourd'hui, malgré les siècles séparant sa mort de notre ère actuelle. Personne jusque-là n'avait osé questionner la présence d'un tel insigne sur sa peau, et pourtant, le jeune prince ylissien ne s'en était pas privé. Il avait tout vu, et il se posait désormais - à juste titre - des questions. Le moins que l'Empereur pouvait faire, c'était lui répondre.

« Je ne suis pas le descendant d'un tel héros. J'aurais apprécié pouvoir avoir la prétention d'avoir une longue lignée m'affiliant directement au stratège ayant sacrifié sa vie pour sauver ce monde. La réalité, c'est que ce dernier a été purifié, et que la présence de la marque déchue de Grima n'est ici que la preuve des forces qui m'ont créé. Je suis le résultat des manipulations profanes et blasphématoires d'adeptes sinistres au sein de l'archipel des ombres, un vaste lieu dont je devrais te parler le jour où j'estimerais que cela sera nécessaire. J'aurais préféré attendre avant de te parler de mes origines, mais puisque tu es si curieux et que je pense que tu es prêt, je veux bien éclairer ton esprit. Mais sache que personne au monde ou presque ne connait cette histoire, alors je te prierais de la garder pour toi...

Je suis né il y a environ un siècle sur ces îles que j'ai mentionné auparavant, l'archipel des ombres. Par je ne sais quelle manipulation, mon sang partageait celui du dragon déchu. C'est ainsi qu'un éclaireur d'un petit royaume adjacent, Garenn, me récupéra dans une tente avec une étrange épée enroulée dans un chiffon qui se trouvait juste à côté de moi. Enfin, c'est ce qui m'a été raconté... J'ai passé les premières années de ma vie dans ce royaume, à étudier. Mais je préfère passer les détails... J'ai été envoyé, dès que mon âge le permit, sur le continent de Valm dans le but de devenir un soldat. J'ai passé mon enfance dans l'école militaire du Grand Empire, celle-là même où tu risques de passer un bon moment. Mais je n'étais pas prince, ou même quelqu'un de prestigieux : aux yeux de l'empire, j'étais juste un gamin des rues sorti de nulle part qui voulait devenir soldat.

Ça a été difficile, mais j'ai beaucoup appris. La discipline, la stratégie militaire, le combat à l'épée, la lutte... À ma majorité, j'étais déjà une véritable machine à tuer loyale et digne de servir mon Empereur. La suite des événements, tu la connais déjà. J'ai commis des erreurs, je suis allé en Ylisse, chargé de rancune, mais il y a une chose que tu ignores, en revanche. Le sang de dragon dans mes veines n'était pas, à l'époque, dompté comme aujourd'hui. J'étais encore volatile, tenté par son influence. Je tuais parfois par simple impulsion, et rapidement je devins le premier maraudeur d'Ylisse. La seule personne ayant pu m'aider à combattre cette influence n'était autre que ma femme, Aria. L'ironie veut que je l'ai enlevée, mais qu'elle m'a aimé tout de même et a fait de moi un homme meilleur. »

Lorsqu'il parlait de sa femme, il avait beau tenir le coup, on sentait une légère pointe de tristesse dans sa voix. Comme une émotion refoulée qu'il ne pouvait contenir éternellement et qui se ressentait de façon infime, comme une plaie qu'il n'avait pas pu panser entièrement. Il poursuivit alors, après un bref silence lui ayant permis de remettre de l'ordre dans ses idées.

« Puis un jour, j'ai souhaité arrêter les conflits. J'étais devenu un homme plus calme, plus avisé, et je voulais que la paix puisse revenir en Ylisse. Ainsi j'ai envoyé une missive à l'Exalt, et tu en connais le résultat... Alors que j'attendais un émissaire pour discuter pacifiquement, les veilleurs ont massacré tout le monde. J'ai été laissé pour mort, après une chute du haut d'une falaise, et c'est un miracle que je sois encore en vie aujourd'hui. Je n'ai appris que récemment que ton père adoptif avait adopté mes deux jeunes filles à mon insu... Mais ce n'est plus important. J'ai vu la mort plus souvent même que tu as probablement pris la parole dans ta vie, et j'ai erré vingt années pour méditer sur mon sort et sur ce que je devrais faire pour améliorer ce monde. J'étais revenu, après toutes ces années, au service de Valm et de l'empereur en tant que maître d'armes. Mais un jour, j'ai découvert que ce dernier voulait briser ses 60 années de gouvernance pour laisser la place à un autre...

Imagine un peu ma surprise. Je n'étais, dans ma vie, qu'un gamin des rues oeuvrant pour l'Empire, un maraudeur en Ylisse, et enfin un maître d'armes pour les troupes d'élite de Valm. Et la personne choisie par la plus prestigieuse et puissante personne de ce monde pour gouverner cette nation, c'était moi. J'étais devenu, en l'espace de quelques jours, l'un des hommes les plus puissants de ce monde. Des légions de plusieurs dizaines de milliers d'hommes iraient raser et brûler le monde simplement sur un geste de mon bras, et pourtant, je n'en ai rien fait. J'aurais pu récupérer Rosanne, une terre revenant de droit au peuple de Valm, et pourtant, je n'ai rien ordonné. Pourquoi ? »

Sa question fut suivie d'un léger silence, comme pour le laisser réfléchir, puis il décida de répondre à cette dernière ainsi qu'aux autres interrogations du prince ylissien, pour satisfaire sa curiosité et, si possible, rendre leur relation plus solide. Il voulait être honnête avec lui, et il espérait qu'il le serait en retour.

« La réponse est simple. C'est la même réponse que celle pour laquelle je n'en veux ni à l'Exalt, ni à toi, ni à personne d'autre. Je connais l'archipel des ombres... Je connais les dangers de ce monde. Je ne l'ai compris que trop tard, mais si je ne réagis pas, personne ne le pourra. Les forces obscures qui se tassent sur ces îles impies réduiront ce monde en cendres, simplement par l'indigence des nations actuelles. La tentative d'assassinat de l'Exalt n'en est qu'un exemple. Alors, il n'y a qu'une façon de faire face à ces dangers : en s'unissant. En rassemblant le monde sous une bannière commune, nous pourrons faire face aux démons de l'archipel. Que les volontaires soient de Rosanne, Plegia, Chon'sin, Ylisse, Valm ou Regna Ferox, chaque homme se ralliant à cette cause peut oeuvrer à faire de ce monde un endroit plus sûr. La haine n'entraînera que plus de faiblesse pour chacun des peuples... Et en tant qu'Empereur d'un des pays les plus puissants du monde, je me dois de montrer l'exemple et de soutenir les autres en temps de crise. »

Fermant les yeux et croisant les bras, Taurok laissa un temps mort pour le laisser digérer ce qu'il venait de dire. Ça faisait beaucoup... Mais il reprit pour prendre la parole une dernière fois, sortant son épée de son fourreau et la déposant sur la table, permettant à Ayden de voir Sanguine de plus près.

« Voici Sanguine. Cette épée a été forgée à partir d'un croc de Grima, de la même façon que Falchion tire ses origines d'un croc de Naga. Il est important que tu saches que cette arme est malsaine... Le simple fait d'en tenir la garde ferait perdre la raison à n'importe quel être normalement constitué. La seule exception... C'est moi, et ma descendance. C'est également un objectif que tu dois comprendre et accepter : autrefois, ceux qui oeuvraient pour le bien imposaient la pureté de Naga et rejetaient Grima. Je lutte activement contre Grima, et pourtant, son sang coule en moi. Tu devras éventuellement, un jour, potentiellement manier cette arme. Cela prendra des mois, voire des années, qui sait... Mais si ton esprit est préparé, tu pourras tenir cette épée et résister à son influence sombre. Pour l'instant, tu ne dois y toucher sous aucun prétexte; cela détruirait jusqu'à la source même de ton âme pour faire de toi une coquille vide sans le moindre esprit...

Mes filles ont décidé de ne plus me faire confiance et de m'éviter, et il ne reste plus que toi, le descendant de l'Exalt d'ylisse, qui puisse espérer un jour pouvoir manier cette lame impie sans complications. Tu dois savoir... Que si un jour il m'arrivait quelque-chose, selon les circonstances, il ne serait pas impossible que tu hérites d'une partie de mon fardeau. Tu es la seule personne en qui je vois un potentiel suffisant pour accomplir de grandes choses pour protéger ce monde, et ainsi, je dois te former pour faire face aux atrocités de ce monde. »

Son ton était certes solennel, mais il était on ne peut plus sérieux... Ce qu'il préférait ne pas lui dire, c'est que le jour où il lui arrivait quelque-chose... Ayden était même dans la liste des personnes possibles pour la succession du trône de Valm. C'était une très lourde responsabilité, mais Taurok ne faisait confiance qu'au jeune prince Ylissien et en son potentiel de meneur-né pour unifier les peuples d'Ylisse, Regna Ferox et de Valm. Le monde avait été divisé trop longtemps, et il était temps que chacun s'allie pour faire face à la menace qui approchait...