La vie de Taurok avait bien changé, depuis sa nomination récente. Il était désormais Empereur de la plus puissante nation qu'il puisse imaginer : c'était l'un des plus grands honneurs possibles en ce bas-monde, pour lui et pour beaucoup d'autres habitants du Grand Empire. La diplomatie n'était désormais plus qu'une option intéressante pour lui, mais une nécessité. L'une des premières relations politiques qu'il avait à entretenir était celle qu'il avait maigrement tissé avec Regna Ferox. Après tout, une nation guerrière ne pouvait pas être mauvaise, pas vrai... ?

C'est ainsi qu'il avait reçu une requête personnelle du Khan de l'ouest. Sa fille était une épéiste de talent, mais elle manquait légèrement de pratique concrète. Et il se trouvait que Taurok était réputé comme étant un combattant d'exception, en plus d'être l'Empereur du grand et puissant Empire de Valm depuis peu. Ainsi, il aurait désiré que l'ancien instructeur général ne vienne pratiquer quelques passes d'armes avec sa fille. Pour rire un peu, il avait décidé de ne rien lui dire, histoire de s'amuser en regardant son visage en découvrant l'un des hommes les plus influents du monde venir calmement l'instruire.

Le voyage avait été plutôt paisible. Un navire l'avant transporté du port de Valm jusqu'à celui de Regna Ferox, et, avec ses bons vieux réflexes de voyageurs, il avait choisi le moyen de transport le moins majestueux possible. Là où beaucoup auraient mis les gros moyens, lui, il se fichait des apparences : c'est ainsi qu'il arriva à l'arène de Regna Ferox, réservée pour l'entrainement de la fille du Khan, avec ses deux gardes du corps, assis à l'arrière d'une cariole de paysan qui transportait du foin pour une auberge proche. Descendant accompagné de ses deux suivants, le blond, qui avait pourtant bel et bien la dégaine adaptée à son statut, finit par entrer dans l'arène sous les regards hébétés des quelques citoyens qui le reconnaissaient : ainsi le Grand Empereur de Valm voyageait à l'arrière d'une charrette de bois rudimentaire pleine de foin... Original et déstabilisant à la fois.

On avait demandé à la fille du Khan d'attendre son instructeur dans l'arène. Ainsi Taurok arriva face à elle, ses gardes du corps restant en retrait à regarder tout en discutant, une épée d'entrainement accrochée à la ceinture, lui adressant la parole

« On m'a demandé de vous former au combat à l'épée, alors me voilà... Je préfère me présenter d'avance : Taurok, Grand Empereur de Valm. Je serais votre instructeur et compagnon d'armes de façon régulière »

C'était... Plutôt une grosse surprise. Enfin, bien sûr, en tant que descendant d'un Khan, on rencontrait parfois du beau monde. Mais à ce point-là, c'était assez rare. Taurok, de son côté, se préparait en faisant quelques étirements et échauffements, visiblement habitué à se préparer pour le combat

« Avant de commencer par le combat, je tiens à ce que l'on démarre sur le plus important : un guerrier doit toujours être aussi sage et bien dans son corps et son esprit qu'il doit être puissant. Ainsi, je tiens à ce que vous ne négligiez pas les échauffements réguliers. Ce que, j'espère, vous ne faites pas, hmm ? »

La princesse n’eut pas le temps de se poupouner devant son miroir qu’elle fut convoquer d’urgence par son père à l’arène. Armure sur le dos et son épée à la ceinture, elle ne le fit pas attendre longtemps. C’était bien inhabituel de sa part. Il avait plus l’habitude de venir parler à sa fille en personne lorsqu’il lui demandait d’aller quelque part. Là non, elle eut le droit à un messager et cela ne plut pas vraiment à la princesse. Depuis quand est-ce qu’elle méritait un simple messager ? Elle aurait préféré qu’il vienne lui dire en personne. De ce fait, les joues gonflées et les sourcils froncés, elle rejoignait l’arène en marchant à reculons. Est-ce qu’il faisait la tête pour leur dispute de la veille ? Elle ne pensait pas qu’il pouvait être aussi rancunier.

Une fois arrivée à l’arène, ses vassaux ainsi que son père étaient là. Le Khan se moqua de sa fille en voyant le visage qu’elle fit tandis que ses vassaux se contentaient de sourire, ayant l’habitude de voir la princesse avec cette tête-là. Celui-ci prit sa fille dans ses bras et ébouriffa ses cheveux. Celle-ci recula et grogna, elle venait à peine de se coiffer ! Son père se moqua davantage d’elle.

« J’te conseille de bien t’échauffer ma fille, j’ai une surprise pour toi. »

Celui-ci partit s’asseoir plus loin afin de voir comment sa fille allait réagir, histoire de continuer à se moquer d’elle. La princesse, docile, commença à s’échauffer accompagnée de ses vassaux quand elle vit un homme blond arriver en face d’elle. Lui aussi avait ses gardes du corps avec lui. Elle eut du mal à le reconnaître, c’était bien l’empereur de Valm en face d’elle. Assez déstabilisée, elle ne savait pas comment réagir. Devait-elle sauter de joie ? Elle ne montra aucune réaction et elle entendit son père se moquer d’elle non loin, il savait comment sa fille allait réagir … Elle reprit ses esprits quand celui-ci lui parlait d’échauffement. Ainsi, c’était l’empereur de Valm qui allait l’entraîner aujourd’hui ? Weiss ne put s’empêcher de lui sourire, bien contente de rencontrer une personnalité aussi importante dans sa vie.

« Jamais, Monsieur. »

Elle ne savait pas vraiment comment lui parler. Devait-elle le désigner avec son titre ? Ou le voir comme son égal ? Il était assez déstabilisant à voir. Après tout, n’est-ce pas la première fois qu’un empereur fait autant de route uniquement pour l’entraîner ? Elle était toute excitée à l’idée de s’entraîner avec lui mais elle avait aussi un peu peur. Peur de ne pas être à la hauteur, ne se faire laminer en deux voir trois coups. Cela ferait très mal à l’égo de la princesse. Les vassaux de la princesses reculaient, restant en retrait afin d’intervenir si quelque chose n’allait pas. L’empereur devait bien savoir qui elle était, elle ne savait même pas si elle devait se présenter à lui. Elle soupira intérieurement, décidant qu’elle se contenterait de suivre les instructions de l’empereur.

« C’est un honneur de pouvoir m’entraîner avec vous. »

Dit-elle en terminant ses échauffements.

Les échauffements finis, Taurok ferma les yeux... Lorsqu'il s'entrainait, il devenait un autre homme. C'est alors que d'un geste preste et vif, il retira son manteau de guerre, qu'il envoya voltiger vers les gradins. On pouvait alors voir son tatouage dans toute sa prestance : un loup, hurlant à la lune, perché au sommet d'une colline. C'était l'oeuvre d'un véritable artisan de génie; le style semblait être une sorte de mélange entre l'art traditionnel de Chon'sin et la peinture classique de Valm. Un petit détail cependant qui pouvait être déstabilisant, c'était cette Lune : en son centre, un oeil avisé et très cultivé reconnaitrait ici la marque de Grima, le Dragon déchu, en son centre.

L'Empereur, aujourd'hui venu en tant qu'instructeur, arbora un sourire en coin, anticipant toute éventuelle réaction preste de sa part, prenant son épée d'entrainement en bois d'une main, l'autre se positionnant dans son dos, sa posture semblant être un mélange de souplesse et de force brute. C'est dans cette position combattive qu'il la regarda dans les yeux, lui faisant un petit signe de tête

« Je me doute que le Khan t'a bien formé... C'est un guerrier honorable. Je veux voir jusqu'à quel point tu sais accorder ton corps pour lui faire faire ce que tu désires... En garde ! »

Sa position avait beau être fort originale, elle était également le témoin d'une expertise magistrale du combat. Son épée semblait être comme une extension de son corps, parfaitement en harmonie avec le reste de ses membres. Lorsqu'elle fut prête, c'est là qu'il frappa. Au début, son mouvement était extrêmement lent, comme s'il bougeait à peine, mais alors que ses mains se contentaient de tout juste effleurer l'air ambiant, d'un coup sec, ce fut là qu'il frappa. Envoyant un coup d'épée transversal, il frappa à une vitesse impressionnante, l'accélération de son corps si vive qu'il en glissa même sur le sable de l'arène, toujours parfaitement sur ses appuis.

Décidément, il avait beau seulement s'entrainer, même en la ménageant, il ne plaisantait pas : c'était un combattant expérimenté et hors-pair qui avait médité sur le combat et l'art de la bataille durant des décennies durant. Ce n'était pas pour rien que sa réputation de maître d'armes inégalé était si prolifique, au sein du monde entier. Bien qu'Empereur et gouverneur du Grand Empire tout entier, il n'en restait pas moins un combattant d'exception : et si le Khan de l'Ouest désirait que sa fille puisse apprendre de ses enseignements, alors elle apprendrait, même si le chemin serait long, difficile et probablement même douloureux. On ne ressortait pas des sessions d'entrainement de Taurok sans quelques hématomes et parfois même une petite crampe journalière...

Weiss voulait rendre fier son père. Elle voulait montrer que toutes les heures qu’elle passe avec lui à s’entraîner ne partirait pas en lambeau, que ce n’était pas inutile et qu’elle était forte. La princesse était bien la fierté de son père, le Khan et elle ne voulait nullement lui faire honte. Qu’est-ce qu’elle ferait si se retrouvait réellement face à ses faiblesses ? C’est sans aucun doute ce qui risquait de lui arriver lors de son entraînement avec l’empereur de Valm et psychologiquement elle n’était pas prête à admettre qu’elle était une piètre combattante. Elle voulait rester la fierté de son père et convoitait même son poste de Khan, voulant tout simplement reprendre le flambeau pour assurer un équilibre et surtout une paix durable sur une belle idéologie qu’est la diplomatie. Elle avait beau entraîner ses troupes tous les jours, traîner avec des brutes, elle restait une femme de principe et voulait succéder à son père tout comme n’importe quel enfant aimerait le faire. Weiss ne changeait sûrement pas les desseins du monde des nobles, succéder à son père était bien quelque chose qui était très convoitée lorsque celui-ci avait une place hiérarchique importante. Mais la princesse ne partait pas sur ce point-là, néanmoins. Elle désirait plus que tout protéger ce pays pour conserver la mémoire de sa défunte mère et pour toutes les personnes qu’elle aimait. La demoiselle était bien sentimentale sur ce sujet et il ne fallait sûrement pas essayer de l’aborder avec elle.

L’empereur qui était en face d’elle se prépara, se mettant en garde et il demanda à la princesse de faire de même. Sans hésitation, elle prit cela au sérieux, une boule au ventre à l’idée de perdre alors que son père regardait non loin. Elle devait absolument se concentrer sur l’empereur et non son père. Elle inspira et souffla un bon coup alors qu’elle prit son arme en main à son tour. Un pas en arrière, légèrement tournée sur le côté, elle tenait son arme avec ses mains en hauteur au niveau de sa poitrine intérieure gauche. Celle-ci était bel et bien en garde alors qu’elle voulait donner son maximum pour réussir cet entraînement.

Ne plus penser à papa.
Ne plus penser à papa.
Ne plus penser à papa.

Voilà ce qu’elle devait bien se mettre dans le crâne alors que l’empereur lançait son premier coup. Rapide, précis, impressionnant. Néanmoins la princesse ne voulait pas se faire impressionner avec si peu et elle n’hésita pas une seconde à contrer son coup transversale avec sa propre épée. Néanmoins elle n’avait sûrement pas autant de force que lui et la princesse bondit en arrière afin de laisser une distance de sécurité entre eux. Elle voyait clairement qu’elle n’allait pas s’en sortir indemne. Elle ne devait surtout pas jouer le jeu de la force avec lui. La demoiselle allait clairement perdre à ce jeu qui était un danger plus qu’autre chose. Elle devait trouver autre chose pour essayer de lui montrer sa force, une autre technique pour prouver sa valeur. La princesse avait bien une idée en tête mais elle ne savait pas si ça allait fonctionner. Un nouveau souffle, elle avait besoin de contrôler sa respiration. Suite à cela, elle se remit en garde, ne lâchant pas son adversaire du regard. Ce fut à son tour de lancer une attaque, se jetant sur l’empereur avec son épée. Néanmoins ce ne fut pas une attaque directe. Celle-ci baissa son arme afin de toucher un premier point sensible dans le but de le ralentir dans sa course : l’intérieur de ses genoux. Elle ne cherchait pas à lui casser ou lui déboîter le genou juste l’affaiblir. La motricité est bien trop importante dans ce genre de combat que ça soit pour attaquer ou bien esquiver. Et son but était bel et bien de toucher tous les points vitaux de l’empereur pour l’affaiblir, restant prête à rebondir en arrière si besoin.

Ce premier coup n'avait pas vraiment pour but de forcément terminer le combat d'une traite, non... Ça n'aurait pas été intéressant. Ce qu'il voulait voir, c'était jusqu'à quel point son style de combat correspondait à celui de Regna Ferox. Venait alors la partie plus sérieuse du combat : il avait analysé sa façon d'esquiver, puis désormais, alors qu'elle semblait viser le bas de son corps, il eut un réflexe très vif. Sa lame semblait se diriger vers son genou, et ainsi, plutôt que de bloquer l'attaque, il eut une réaction bien typique d'un lutteur de Valm : soulevant son genou de façon spontanée et immédiate, alors qu'elle était encore sous le momentum de son coup, il attrapa son épaule pour envoyer un coup de genou vivace au niveau de son flanc droit : bien sûr, il avait retenu sa force un minimum pour ne pas lui briser les côtes, il était parfaitement conscient qu'employer toute sa puissance physique serait vraiment destructeur pour elle. Cela dit, un coup de genou envoyé à un instant si opportun restait assez déplaisant à subir.

Une fois sa tentative effectuée, il fit un long pas en arrière, de nouveau en position, prenant ses appuis et observant ses réactions. En même temps, il était impressionné par sa faculté à analyser et déjouer les coups; visiblement, on n'avait pas appris à la jeune héritière Féroxienne à se battre comme un manche, loin de là. Il valait mieux ne pas la sous estimer... Et puis, inutile d'y aller trop fort, en même temps : il n'était pas là pour l'estropier, juste pour l'endurcir.

Ainsi, tournant un peu autour d'elle, l'observant, il finit par lui parler, de sa voix ferme mais honnête, son arme toujours prête et les réflexes parfaitement aiguisés

« Je dois admettre que tu es douée... Mais je n'en attendais pas moins de la fille du Khan de l'ouest. Tu es moins effrénée que ce que j'avais anticipé, c'est très bon signe. Les combattants qui foncent le plus la tête la première sans réfléchir sont ceux qui finissent en général les premiers à terre. Il faut d'abord connaître son adversaire avant de s'en prendre à lui... »

Ses paroles semblaient témoigner de son expérience au combat. Il avait vécu 108 ans, effectivement, et chaque année de sa vie avait été passée au combat, à l'entrainement ou à la méditation. Ainsi, il avait un certain point de vue sur l'art de se battre et de traiter son adversaire... Aussi bien avec toute la cruauté que ses pulsions sombres lui suggéraient qu'avec toute la magnanimité que ses 18 ans de réflexion sur l'importance de la vie lui avaient enseigné. Il en résultait un formidable duelliste qui n'hésitait pas à se donner à fond pour transmettre son savoir pour permettre aux autres de devenir meilleurs, tout en donnant de sa personne pour le bien commun. S'il n'était pas surprenant qu'il ait été un instructeur impérial avant de devenir qui il était, on pouvait comprendre quels étaient les traits de caractère qui avaient fait de lui le dirigeant de tout le Grand Empire de Valm.

Un bon coup de genou à l’ancienne, Weiss ne put esquiver ce coup au dernier moment et elle recula, laissant un espace suffisant pour le voir venir. Il n’avait pas hésité, elle s’attendait plutôt à ce qu’il recule ou qu’il bloque son attaque avec son arme mais non. Il était du bien imprévisible apparemment. La princesse oublia complètement la présence de son père, se concentrant sur son seul et unique objectif : l’empereur de Valm. Un duelliste contre lequel Weiss ne risquait pas de gagner. Mais ça restait un honneur de s’entraîner avec lui. Il faut avouer qu’elle pensait uniquement utiliser son arme, mais non. Apparemment tout était permit. Bonne ou mauvais nouvelle ? C’était à Weiss de voir si elle savait utiliser ses poings en plus de son épée. Il faut avouer qu’elle n’avait jamais tenté, se contentant de trancher tout ce qui arrivait en face d’elle. Suite aux compliments de son nouveau professeur, la princesse laissa échapper un léger sourire. C’était vraiment flatteur mais ça ne voulait pas dire qu’elle devait baisser sa garde. Surtout pas, ça serait totalement stupide sa part.

Il fallait connaître son adversaire pour le battre … C’était le genre de chose qu’elle enseignait aussi à ses troupes, elle le savait déjà. Et pour bien connaître son adversaire on fait quoi ? Bah on l’analyse ! On l’observe, on anticipe ses coups afin de pouvoir le bloquer plus facilement et ensuite rapidement contre-attaquer de façon à ce qu’il reste sur la défensive. Cela peut permettre de prendre le dessus petit à petit.

« Merci Monsieur. »

Elle ne savait toujours pas comment l’appeler et Monsieur était très bien pour l’instant. Weiss préférait rester sur la défensive, continuant d’observer cet homme trop imprévisible pour elle. Quelle tactique devait-elle utiliser avec lui ? Viser ses points faibles afin de l’affaiblir ? Le laisser lancer des assauts afin de se fatiguer pour ensuite prendre le dessus au dernier moment et le mettre à terre ensuite ? Dans tous les cas, elle savait qu’elle ne devait surtout pas se lancer sur lui brusquement. Si elle lançait une attaque, celle-ci devait bien avoir un sens afin de ne pas attaquer inutilement et se fatiguer elle-même. C’était bien compliqué et elle soupira intérieurement.

« À votre avis, comment on peut battre quelqu’un de plus fort que soi ? Je ne parle pas dans notre cas bien entendu. Soit on attaque ses points faibles, soit on attend qu’il se fatigue pour prendre le dessus ensuite. Mais est-ce que vous, vous avez d’autres techniques ? »

Elle ne s’intéressait pas à son professeur, loin de là. Elle s’intéressait avant tout à sa manière de combattre et surtout quelqu’un de plus fort que soi. Il n’était pas le plus fort même s’il avait un niveau remarquable. Il devait bien avoir quelques difficultés parfois. S’il avouait le contraire, la princesse risquait de penser qu’il se moque d’elle. Ou alors qu’il se pense plus fort que tout. La princesse restait sur la défensive, se concentrant pour pouvoir contrer n’importe quelle attaque lancée par l’empereur de Valm. Rien ne devait la déconcentrer.

Son élève était définitivement attentive et motivée pour s'améliorer. Venant d'une féroxienne, ça ne l'étonnait nullement, encore moins en prenant en compte le fait qu'elle était de haute famille Féroxienne : la fille du Khan de l'Ouest, rien que ça... Ainsi cet entrainement était tout ce qu'il y avait de plus sérieux. Sa question était très intéressante, et c'est avec beaucoup de précision qu'il se décida à lui répondre, laissant reposer son épée contre son épaule, semblant beaucoup plus relaxé... Pour autant, il était apparemment encore très alerte et faisait très attention à ses alentours : ainsi, rien ne l'empêchait de l'attaquer, mais Taurok ne semblait pas sur le point de baisser sa garde, bien au contraire...

« Il faut justement considérer chaque adversaire comme supérieur à soi pour pouvoir le vaincre. Sous-estimer le moindre de ses assaillants est une erreur gravissime qui coûte la vie à bon nombre de guerriers pourtant très aguerris. Il faut se dévouer corps et âme au combat, sans hésiter une seule seconde, et ne jamais lambiner. Il faut également être le plus calme et serein possible... Même avec une plaie béante et saignante, il faut savoir faire preuve du sang froid le plus admirable. La panique est la porte ouverte à la défaite. »

Il commença ainsi quelques... foulées des chevilles, tranquillement, semblant se préparer. Mais alors qu'il était en pleine série de foulées, d'un seul coup, il fit un pas de côté, une première feinte, une deuxième, puis envoya un coup de pied médian fulgurant suivi d'un coup d'épée transversal ne compromettant pas sa garde. Une chose était sûre : ses talents au combat étaient très sérieux et il ne prenait pas ses conseils à la légère. Et pourtant, on sentait un minimum de retenue de sa part pour ne pas l'estropier.

« Il faut être imprévisible. Observer son adversaire, anticiper son comportement et le retourner à son avantage, tout en faisant preuve de discernement. Face à toi, j'ai décelé le point faible. Tu t'attend trop à un combat harmonieux où les coups s'imbriquent dans une logique de combat, ce qui se passe la plupart du temps face à un combattant entrainé et aguerri. Mais face à quelqu'un d'imprévisible, tu aurais beaucoup de mal : son comportement erratique te déstabiliserait, et tu ne saurais plus où donner de la tête. Ta lame ne fait qu'un avec toi, mais tu en oublies le reste de ton corps. Les coups de pied, les coups de poing, les prises, l'instinct... Tu as beau être douée et très prometteuse, il te manque ces réflexes animaux qui te permettront de survivre face à n'importe quel adversaire sans être désorientée. Ainsi, pour toi, ça ne sera pas du combat à l'épée : ça sera de la lutte. Pour être capable de transposer l'instinct d'un lutteur et le combat à mains nues de façon homogène dans un style de combat impliquant une arme quelconque, il faut d'abord savoir combattre sans arme. »

C'est après cette déclaration qu'il déposa son épée et se dirigea vers un banc proche, pour enrouler des bandelettes autour de ses mains, avant d'en tendre à la jeune femme. Son entrainement s'avérerait long et tortueux, et les rumeurs sur la rudesse de ses manières étaient fondées. Cependant, il parlait sans vanité et avec une réelle volonté de lui apporter des connaissances pratiques et théoriques. Ainsi poursuivit-il avec d'autres conseils...

« Lorsque nous pratiquerons la lutte, il faudra également que tu te mettes à la méditation et à l'acrobatie. Beaucoup ne voient pas l'intérêt de ces deux pratiques dans le cadre du combat, mais il ne faut pas oublier que la plus colossale des forces n'est rien sans une grande souplesse, et que le plus puissant des guerriers n'est rien sans la discipline et la sagesse qu'apporte la réflexion sur le monde qui nous entoure et sur la philosophie du combat. »

Il faut toujours considérer ses adversaires plus forts que soi. Toujours être sur ses gardes, sur le qui vivre, anticiper au maximum et contre-attaquer sans aucune pitié. Mais les choses les plus importantes étaient bien le sang-froid et surtout le sérieux qu’il fallait pour se concentrer correctement lors d’un combat. Il dit tout cela en faisant des foulées des chevilles. Rien que ça … Il prenait vraiment cet entraînement au sérieux, tout comme elle et voir un combattant si fort l’entraîner sérieusement lui faisait plaisir. C’est comme si elle avait totalement oublié sa dispute avec son père tient ! Après bon, la princesse n’est pas rancunière donc ça passera bien vite … La princesse acquiesça avec un simple hochement de la tête. Elle enregistrait tous les conseils qu’elle pouvait prendre de sa part sans aucune hésitation. Fallait bien qu’elle s’améliore et les conseils de cet homme pourraient être la clé de sa réussite.

Brusquement, une deux feintes que Weiss réussie à esquiver en reculant. Mais les coups de pieds lui firent mal, même si elle réussit à tenir encore debout. Il faut bien avouer qu’un adversaire aussi imprévisible que lui était bien une première pour la princesse. D’ailleurs concernant ses défauts au combat il avait visé juste. Elle était bien trop dans le combat classique, oubliant le sauvage. Néanmoins Weiss avait fait très peu de lutte, concentrant ses entraînements sur le maniement de l’épée. L’empereur déposa son arme et banda ses mains avec des bandelettes et il en tendit à Weiss qui fit de même. Elle devait aussi se mettre à la méditation et aux acrobaties.

« Je suivrai tous les conseils que vous me donnerez, soyez en sûr. »

Elle était bien déterminée à devenir la plus forte pour prendre la succession de son père. Ça devenait limite une obsession et son père le savait très bien. Et pour devenir la reine, Weiss devait continuer son entraînement régulier qui est toujours de plus en plus difficile. Elle ferait tout pour réaliser son rêve. Une fois ses mains bandées, elle se plaça en face de l’empereur, ignorant quoi faire.

« Sachez que je n’ai fait que très peu de lutte. »

Weiss n’avait pas l’habitude de se battre au corps à corps. Mais son entraîneur avait bien raison, elle devait s’y entraîner. Comment allait-elle faire sinon sans arme à la main ? Si quelqu’un arrivait à la désarmer lors d’un combat, que deviendra-t-elle ? Une princesse perdue. Dans tous les cas, là encore elle allait devoir l’analyser. Néanmoins l’analyse risquait d’être un peu plus complexe. Observer de loin avec son épée c’est bien. Au corps à corps c’est une autre histoire. La princesse tenta de se mettre en garde, même si c’était légèrement maladroit, elle tentait de faire des efforts pour montrer son intérêt à cet entraînement. Elle ne savait même pas s’il y avait vraiment une garde à avoir pour une lutte … Néanmoins il ne fallait surtout pas négliger ses réflexes, Weiss pouvait très bien compter là-dessus et elle le savait. Elle espérait juste qu’il n’allait pas lui casser un os … Comment allait-elle s’entrainer après ? Certes, les bases elle ne connaît pas. Mais se défendre elle sait le faire. L’instinct de survie de Weiss pouvait parfois créer des miracles.

« Mélanger plusieurs disciplines serait donc la clé de la réussite … »

C’était vraiment intéressant à savoir. Il y avait énormément de contenue à apprendre lors de ce cours mais c’était bien ça que Weiss adorait. Il lui apportait beaucoup de conseils et Weiss allait tout appliquer à la lettre, sans oublier les virgules. Weiss était obsédée par la réussite tout simplement parce qu’elle allait y arriver. La princesse a toujours eu ce qu’elle voulait, le royaume n’allait sûrement pas faire exception à la règle.

Au moins, il ne pouvait que reconnaître l'assiduité de son élève. La lutte traditionnelle serait un bon point pour commencer... Également en position, il fit quelques foulées de cheville rapides, avant de se décider à lui expliquer les tenants et les aboutissants du style de combat qu'ils s'apprêtaient à expérimenter.

« La lutte traditionnelle de Valm est un sport de combat rapproché misant sur des assauts rapides, brutaux et instinctifs. Le but d'une joute est tout simplement de mettre l'avant du corps de son adversaire au sol. C'est une généralité de combat adoptée par tout Valmien : un adversaire face au sol est un adversaire mort. C'est aussi simple que ça; pour cela, les coups directs sont une bonne approche... Ça, ou bien la maîtrise de son adversaire. Il faut beaucoup jouer sur l'observation... »

Taurok entama alors le combat par une minutieuse contemplation de son adversaire : le moindre de ses faits et gestes lui passait directement sous les yeux. Il tournait autour, tel un prédateur analysant sa proie. Finalement, il fit un mouvement de côté, comme pour la stresser, avec une petite feinte distante, avant de bondir tout simplement sur elle. Il avait beau se retenir un minimum pour ne pas la blesser, il n'y allait pas de main morte et il ne la ménageait pas... Il l'avait agrippé en tentant de la retourner directement en vol, son bras gauche saisissant son abdomen et le bloquant tandis que son bras droit venait enserrer son cou. Il avait été rapide, direct et absolu. En même temps, il avait des années, voire même des décennies de lutte derrière lui...

« Première technique valable pour se sortir de n'importe quelle situation : utiliser, en combat singulier, la force de l'adversaire contre lui. En tant qu'épéiste agile, tu mises énormément sur les mouvements de bassin souples et le contact visuel permanent; ainsi, le choix logique était de bloquer ton cou et ton haut-ventre. C'est une question d'observation... »

Relâchant son emprise et se relevant, il fit quelques étirements rapides, se mettant volontairement dos à elle... Il s'attendait à une attaque surprise, se préparant pour la contrer, offrant volontairement une magnifique vue vers une potentielle erreur de débutant. Il gardait un état parfaitement alerte, cherchant à provoquer une réaction; attaquerait-elle ? Se défendrait-elle ? Tomberait-elle dans le panneau, ou saurait-elle découvrir la supercherie ? En tout cas, c'était un entraînement bien singulier qu'il prenait au sérieux, ne cherchant pas à y aller qu'à moitié avec elle. C'était la fille d'un Khan, elle devait être prête à faire face à toutes les situations possibles.