Au détour d'une rue lugubre, Émilien pouvait discerner une maisonnette à l'une des fenêtres de laquelle flamboyait la lueur d'une bougie de pierre. Les autres habitations étaient plongées dans l'obscurité la plus complète et le silence régnait dans le quartier. Il déglutit péniblement. Seul le bruit de ses pas martelant l'allée serpentante résonnait dans l'air frais de la nuit et lorsqu'il levait les yeux au ciel, il apercevait vaguement l'astre lunaire, masqué par une épaisse couche de nuages.

Il avait erré toute la journée dans les rues à la recherche d'informations. Parmi les personnes qui avaient accepté de venir à son aide, un bon nombre d'entre elles lui avait donné cette adresse : un informateur sans égal vivait dans la basse ville, toujours à l'affût des plus petites nouvelles. Le seul à pouvoir le renseigner et il le ferait sans doute volontiers... Moyennant quelques pièces d'or.

Émilien avait l'esprit troublé, soucieux. C'est qu'il avait un doute, presque une conviction, en se demandant qui pouvait connaître la position et le caractère de sa cible : un autre hors-la-loi. À peine arriva-t-il sur le seuil de la maison que celle-ci s'ouvrit dans un léger grincement, puis une silhouette encapuchonnée sortit de l'ombre pour l'accueillir avec un ricanement. Décidément, les bruits courraient vite, se dit-il avec un sourire nerveux, avant de le suivre.

Une fois installé dans une pièce faiblement éclairée, et après les politesses de rigueur, Émilien lui expliqua les causes de sa visite et ce qu'il attendait de lui. Un père en détresse lui avait demandé son soutien pour récupérer la précieuse robe de mariage de sa fille, dérobée par un membre de la guilde des voleurs marqué d'une cicatrice à la joue.

« Il s'est carapaté ton voleur ! Pourquoi serait-il resté ? Coïncidence pour coïncidence, je l'ai vu, Gabin la petite poisse. Il filait sur son cheval au moment où je revenais en ville, dans les pitons au sud où se trouve son refuge : une cave misérable bordant une rive escarpée au pied de la plus haute montagne. Emboîte lui le pas et récupère ton dû... mais avant, je veux mon argent. »

« ...très bien, voilà ton or. J'espère que tes renseignements sont vrais. Je saurai me souvenir de toi si tu m'as berné ! »

Le vieillard éclata d'un rire tonitruant, peu accoutumé à être intimidé par un morveux, un blanc-bec. Si la méfiance primitive qu'il éprouvait à l'égard des saltimbanques l'empêchait de baisser sa garde, Émilien devait se rendre compte à présent qu'il allait devoir se fier aux propos de son interlocuteur, faute d'avoir trouvé une autre piste à explorer. Sans perdre une seule seconde, il se précipita hors de la maison, claquant la porte derrière lui, et déterminé à partir demain à la première heure.

Le lendemain, le jour était bien entamé quand Émilien atteignit sa destination. Le soleil commençait à descendre vers l'horizon, baignant la terre de sa couleur ocre. Il avait suivi les indications du receleur et ses pas l'avaient conduit aux abords d'une rivière, traversée par un pont de marbre. L'abri du vaurien était introuvable. Lui avait-on menti ? Il était tenté de rebrousser chemin, mais si Gabin vivait effectivement dans ces lieux...

L'adolescent trouva une cachette sous un rocher en surplomb du cours d'eau et décida d'y attendre la canaille.