Doté d’un caractère tout sauf égal, Reve passe rarement pour quelqu’un d’agréable à fréquenter. Homme sans ennemi, homme sans valeur, aime-t-il penser lorsque les doléances de ceux qu’il a floués finissent par lui parvenir, enrobées de menaces creuses et d’insultes fleuries. Son enfance aisée l’a rôdé à l’art des caprices et l’a habitué à être obéi sitôt un ordre formulé. Impatient, sanguin et aussi exigeant avec les autres qu’avec lui-même, il accueille chaque aveu de faiblesse avec un souverain mépris. Ses humeurs sont aussi variables que les marées et s’il semble né sous une bonne étoile en raison de la chance insolente qui ne cesse de l’accompagner dans tout ce qu’il entreprend, ce n’est pas pour autant qu’il en rend grâce à qui que ce soit. Épris d’indépendance et de libre-arbitre, ces notions le poussent parfois à des extrémités plus que discutables puisqu’il ne recule devant rien pour les préserver.

De la naissance à l’âge adulte, aucun fait notable ne vint entacher le quotidien morne et solitaire du gosse bien né qu’il était sinon une nette prédisposition à ignorer superbement la moindre marque d’autorité. Originaire de Rosanne, sitôt sa majorité atteinte, il commença à renier sa belle éducation et à effriter consciencieusement chacune des vieilles valeurs qui lui avaient été inculquées. S’il aimait la richesse, rien ne prévalait sur la liberté, et il embrassa la sienne avec une fougue n’ayant d’égale que sa témérité d’alors. Il s’embarqua sur de nombreux navires, engrangea les connaissances et pris la mer pour amante jusqu’à en comprendre toutes les fantaisies. Son esprit acéré et son gout pour l’argent facile le menèrent rapidement à fréquenter de nouvelles tables de jeu à chaque escale. Il se fit d’abord un nom en tant que joueur, puis en tant que capitaine quand ses bénéfices lui permirent d’acquérir son propre navire. Divine, baptisa-t-il le bateau, après l’avoir garni d’un équipage pour le moins douteux composé pour sa majorité de bandits et de pirates, lesquels connaissaient tout de même au moins aussi bien que lui les aléas de la navigation. Il reçut le surnom de corbeau en raison des voiles noires de son bâtiment et de sa propension à ne se vêtir que de sombre, et le porta comme un trophée supplémentaire destiné à asseoir sa réputation sur les mers.
De nombreux ports accueillirent la Divine au cours de ses errances mais elle n’en fréquenta aucun avec autant d’assiduité que le Vaisseau des Parias, lieu stratégique pour tout pirate cherchant à faire fluctuer ses affaires.
C’est désormais à Rosanne, dans le faste de Viralys que séjourne le Corbeau, son gout pour les belles choses et pour le jeu ayant pour l’heure pris le pas sur ses besoins d’appareiller pour telle ou telle destination.